Andrew K. Rose, professeur d'économie à Berkeley, montre la corrélation entre le désir d'un pays d'ouvrir ses frontières et sa candidature à l'accueil d'un méga-événement sportif: il se sent dynamique, disposé au commerce et peut vouloir le signaler par le moyen des Jeux.
Les motifs d'accueillir un méga-événement comme les Jeux olympiques semblent souvent insaisissables aux économistes. Les avantages économiques nets sont rarement positifs; les avantages non économiques sont difficiles à mesurer. Pourtant, les pays se livrent une concurrence féroce pour accueillir ces événements. Pourquoi?
Les économistes sont habituellement sceptiques devant les arguments invoqués pour justifier les investissements engagés à l'occasion des grands événements sportifs. Sur le strict plan économique, il peut en effet sembler naïf de défendre la construction de nouveaux stades ou le financement de cérémonies grandioses. Ces événements coûtent en effet très cher: quand Londres a gagné le droit d'accueillir les JO de 2012, il a gagné le droit de dépenser 5,5 milliards de livres, une somme déjà multipliée par trois. Or, ces coûts ne sont pas compensés par les revenus gagnés pendant l'événement, et si l'économie est temporairement boostée, on peut s'interroger sur l'utilité réelle de nouveaux stades ou d'équipements moins médiatisés: la capitale anglaise a-t-elle vraiment besoin d'un nouveau vélodrome? Les cérémonies d'ouverture des Jeux de Pékin en 2008 auraient coûté à elles seules au moins 100 millions de dollars, une somme considérable quand on sait que 100 millions de Chinois vivent avec moins de 1 dollar par jour. Peut-on défendre cet usage somptuaire des deniers publics?
A vrai dire, les doutes des économistes professionnels sont rarement partagés par les décideurs et la population, qui ne regardent pas à la dépense sur ces événements. Peut-être la science économique n'arrive-t-elle pas à représenter les avantages associés à ces événements. Peut-être aussi les économistes n'en ont-ils pas repéré tous les gains.
Dans un papier récent publié avec Mark Spiegel*, nous considérons l'impact économique des méga-événements comme les Jeux olympiques ou la Coupe du monde de football en observant leur impact sur le commerce international. Or, en utilisant différents modèles, nous montrons que l'accueil d'un méga-événement a un impact positif sur les exportations du pays hôte. Cet effet est statistiquement robuste, permanent, et surtout il est élevé - avec un gain de 30% pour les pays qui ont accueilli les Jeux olympiques. Un impact aussi important amène à reconsidérer les coûts associés avec l'accueil d'un méga-événement.
Comment s'explique cet effet sur le commerce? Certainement pas, comme le voudrait le Comité olympique international, parce que le pays hôte accueille plus de touristes ou apparaît quelques semaines sur les écrans de télévision du monde entier. En fait et plus prosaïquement, l'accueil d'un méga-événement semble presque toujours associé avec une ouverture commerciale.
Au mois de juillet 2001, Pékin s'est vu confier l'organisation de la vingt-neuvième olympiade. Juste deux mois plus tard, la Chine concluait avec succès des négociations avec l'OMC, officialisant ainsi son engagement de libéraliser ses échanges. Et ce n'est pas un cas isolé. Rome s'est vu attribuer les jeux de 1960 en 1955, l'année où l'Italie a entamé les démarches qui ont abouti à la convertibilité de sa monnaie, a rejoint l'ONU, et surtout a entamé les négociations qui mèneraient deux ans plus tard au Traité de Rome créant la CEE. Les Jeux de Tokyo (1964) ont coïncidé avec l'arrivée du Japon au FMI et à l'OCDE. Barcelone s'est vu attribuer les Jeux de 1992 en 1986, un an après que l'Espagne a rejoint la CEE. La décision d'attribuer à la Corée les Jeux de 1988 a coïncidé avec la libéralisation politique du pays. La corrélation va d'ailleurs au-delà des seuls Jeux olympiques - la Coupe du monde de football s'est tenue au Mexique en 1986, année qui marqua le début de l'ouverture commerciale et l'entrée dans le GATT.
Mais n'allons pas trop vite. Il s'avère en effet que les candidatures infructueuses ont elles aussi un impact positif sur le commerce, presque aussi important en fait que celui d'accueillir les jeux. L'effet olympique sur le commerce pourrait ainsi être attribué au signal qu'un pays envoie en offrant d'accueillir les Jeux, et non à la tenue effective de l'événement.
Développons, en essayant de comprendre cette logique. Un pays qui souhaite ouvrir ses frontières se sent dynamique et il peut vouloir le signaler en offrant parallèlement d'accueillir un méga-événement. Il y a donc une corrélation: les deux effets procèdent de la même cause. Mais la relation peut être plus étroite et même signaler une stratégie: en projetant le méga-événement, ce pays crée en effet une atmosphère politique où un retour en arrière devient difficile, et ce aussi bien sur le méga-événement que sur la libéralisation. Enfin, la stratégie peut également passer par une forme de compensation: les coûts d'accueil d'un méga-événement sont généralement supportés par les secteurs de l'économie qui profitent le plus de la libéralisation du commerce; cet alignement des coûts et des avantages contribue à lier plus étroitement le méga-événement et le mouvement de libéralisation commerciale.
En tout état de cause, que l'événement procède simplement du même dynamisme que le mouvement de libéralisation ou qu'il participe d'une stratégie plus construite, l'accueil d'un méga-événement est presque toujours associé à une hausse des échanges. Il existe bien un «effet olympique» sur le commerce, mais cet effet ne vient pas, on le voit bien, de l'activité ou des infrastructures directement associées avec l'accueil des Jeux olympiques. Nos conclusions suggèrent plutôt qu'une candidature aux Jeux olympiques est un signal politique coûteux, presque toujours associé à une libéralisation en cours. Ce pourrait être bon à savoir pour un pays dont la stratégie passerait par le développement des échanges.
© Telos.
*The Olympic Effect, 2009, CEPR Discussion Paper 7248.
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