jeudi 28 mai 2009

Vingt ans après, les dirigeants français ont oublié Tiananmen

Libération, no. 8723 - Monde, mercredi, 27 mai 2009, p. 11

Seules des ONG commémoreront la répression de Pékin.

A une semaine des commémorations du vingtième anniversaire de la répression sanglante du mouvement étudiant de la place Tiananmen, qui doivent se dérouler le 3 juin sur le parvis des droits de l'homme du Trocadéro, à Paris, le courage semble faire défaut à la classe politique française. «Presque tous les hommes politiques qui avaient manifesté leur révulsion au lendemain de la répression sanglante du mouvement de la place Tiananmen à Pékin [dans la nuit du 3 au 4 juin 1989, ndlr] se sont défilés sous un prétexte ou un autre et ne participeront pas», déplore Marie Holzman, la présidente de Solidarité Chine, l'une des associations organisatrice de l'événement (1).

Selon les sources, entre 700 et 2 500 personnes avaient été tués lors du massacre, et des milliers d'autres emprisonnées. «Un pays qui tire sur sa jeunesse et ne respecte pas les droits élémentaires et la liberté est un pays auquel le monde entier doit s'opposer», plaide Pierre Bergé, cofondateur de la maison de couture Yves Saint Laurent et généreux mécène de la cause de la démocratie en Chine. Dans une conférence sur la mémoire de Tiananmen qui s'est tenue hier au Grand Palais, il a rappelé qu'il a «renoncé à faire du business avec la Chine» après Tiananmen et a fustigé le «cynisme des industriels lâches» qui investissent en Chine : «Ils ont des intérêts, mais pas de convictions.»

A ses côtés, un rescapé de Tiananmen, Zhang Jian, a raconté les circonstances dans lesquelles il avait été blessé sur le pourtour de la place dans la nuit du 3 juin 1989. «Les soldats ont fait feu sur notre groupe. Trois de mes camarades ont été tués.» Zhang Jian a gardé pendant vingt ans une balle dans la jambe, qui a été extraite récemment dans un hôpital européen. Victimes de la propagande, les jeunes Chinois d'aujourd'hui, dit-il, refusent de croire que l'Armée populaire ait pu tirer sur les étudiants. «Il fallait que je leur fasse tâter ma blessure pour les convaincre... Malgré tout, seulement 5 % d'entre eux changeaient d'avis», déplore-t-il. Un autre acteur du mouvement étudiant, Zhou Qing, a purgé plus de deux ans et demi de prison. Il a relaté les terribles conditions dans lesquelles vivaient les étudiants condamnés aux travaux forcés. Parfois âgés de seulement 16 ans, ils étaient systématiquement violés par des détenus de droit commun.

(1) Avec Reporters sans frontières, Amnesty International, la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme, la Ligue des droits de l'homme et l'Association des chrétiens pour l'abolition de la torture.

ÉRIC LANDAL

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