Mis à l'écart par le régime, l'ancien bras droit de Zhao Ziyang est resté un esprit libre.
ENVERS les voix dissonantes de la société chinoise, le Parti a parfois des délicatesses qu'on ne soupçonnerait pas. Ancien bras droit de Zhao Ziyang, le patron du PC au moment de Tiananmen, Bao Tong vient de se voir offrir des vacances à Huangshan, haut lieu touristique de l'est de la Chine. La police joue les tour-operators, et le vieil homme ne devrait pas regagner la capitale avant le 7 juin, quelques jours après l'anniversaire du 20e anniversaire de la tragique répression du printemps de Pékin. Il ne s'est même pas opposé à cette mise à distance. Ce qu'il avait à dire avait déjà été dit.
Ce grand témoin des événements de 1989 vit dans un petit appartement de l'ouest de Pékin, surveillé 24 heures sur 24 par la police, où Le Figaro l'a rencontré. Il a sa libre et verte parole. À 76 ans, les vexations lui glissent sur le cuir. Et la prison, il l'a connue pendant 7 longues années, après 1989. L'homme est l'un des survivants de l'équipe réformiste balayée par le massacre de Tiananmen. Sur une étagère, une photo de Zhao Ziyang, l'ancien patron du PC « purgé » en 1989 pour s'être opposé à l'envoi de l'armée pour mater le mouvement pro-démocratique. Auprès de lui, Bao Tong était chargé de la réforme politique.
Autocritique
Pour Bao Tong, Tiananmen, ce n'est pas seulement de l'Histoire. C'est une blessure terrible dans la mémoire collective chinoise, une plaie qu'il faut laver pour que le concept de société harmonieuse ne soit pas un vain mot. « Il y a dix ans, j'avais écrit une lettre à Jiang Zemin, raconte-t-il, je lui disais que s'il voulait dépasser Deng Xiaoping et Mao dans l'Histoire, il avait les moyens de le faire. Il y a eu un crime en 1989. Celui qui osera corriger cette histoire laissera un bel héritage aux générations à venir. Il n'a pas compris. Récemment, j'ai écrit une lettre au président Hu Jintao pour qu'il saisisse cette occasion. »
Antiparti, sa démarche ? Bao Tong s'en défend et rappelle que Mao, lors du 7e Congrès, avait expliqué que la supériorité du Parti par rapport à tous les autres, c'était sa capacité à l'autocritique. « Certains pensent que si le Parti reconnaît des erreurs, il est fini, dit-il, je pense que c'est l'inverse, si le Parti ne sait pas corriger ses erreurs, il se dénature et se condamne. Je suis entré dans le Parti il y a 60 ans, et même si j'en ai été expulsé, je n'ai pas envie de le voir finir comme cela. » Bao Tong fait remarquer que quand le Parti a reconnu les erreurs de la Révolution culturelle, sa popularité n'en a été que renforcée. Et pour lui, il n'y a d'ailleurs qu'un seul vrai responsable, Deng Xiaoping.
Les choses, finalement, sont assez simples. « Je ne demande pas la lune. Que les faits réels soient publiés, que l'on dise quels ont été les débats au sein du Parti à l'époque, qui a donné l'ordre de la répression, que l'on publie le nombre des morts, des personnes mises en prison ou purgées, que l'on dise aussi comment on a ensuite manipulé la presse et bâti des mensonges pour le monde entier. »
« Nettoyage des cerveaux »
Bao Tong reconnaît que les jeunes de 2009 ne sont pas obnubilés par Tiananmen, qu'ils n'ont qu'une vague idée de ce qui s'est passé, « le nettoyage des cerveaux ayant bien fonctionné
». « Mais ces jeunes, quand ils rencontreront l'arbitraire dans leur vie, ils voudront connaître l'histoire du 4 juin». Cette histoire, sa famille entend bien la faire vivre. C'est son fils, Bao Pu, éditeur à Hongkong, qui vient de publier en chinois les Mémoires inédites de Zhao Ziyang, enregistrées clandestinement sur des cassettes d'enfants par le dignitaire en résidence surveillée.
Ce vieil homme délicieux s'emporte juste un peu quand on lui avance l'argument souvent entendu que la Chine n'est pas faite pour la démocratie. « Oui, on entend cela, et pas seulement en Chine, de la part d'occidentaux aussi. Que l'on arrête avec ces stupidités dégradantes pour notre peuple, dit-il, pour moi, la démocratie, c'est tout simplement la justice et le parti unique conduit forcément aux injustices. Et quoi, la justice ne serait pas faite pour la Chine ? L'air, l'eau, le ciel ne conviennent pas à la Chine ? L'ordinateur ou le téléphone portable ne sont pas faits pour la Chine ?» Il montre une photo de sa famille. « Si l'on efface cette page d'histoire, cela veut dire que l'on efface le mot justice dans l'Histoire, que la Chine restera un pays où personne ne peut demander justice, et je veux pas que mon petit-fils grandisse dans un pays comme cela.» Il rappelle que même un enfant, s'il sent ses parents injustes, ressent de l'amertume, de la rancoeur. « Alors, puisse le Parti respecter ses enfants. »
Arnaud DE LA GRANGE
© 2009 Le Figaro. Tous droits réservés.
1 commentaires:
Je ne savais pas qu'il existait des reformistes en Chine qui croyait a la Democratie.Tres intéressant.
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