vendredi 21 août 2009

Crise politique à Taïwan après le désastre causé par le typhon Morakot - Brice Pedroletti

Le Monde - International, samedi, 22 août 2009, p. 6

Critiqué pour la lenteur des secours, le refus initial de l'aide étrangère et son manque de compassion lors de ses tournées dans des villages sinistrés, où il a été plusieurs fois pris à partie, la semaine dernière, par les habitants, le président taïwanais, Ma Ying-jeou, tente de contrer les répercussions politiques du typhon Morakot.

Les 8 et 9 août, près de trois mètres d'eau sont tombés sur le sud de l'île, et le village de Hsiaolin, dans le comté de Kaohsiung, a été rayé de la carte. Selon un bilan officiel, publié vendredi 21 août, le typhon a fait 153 morts et 460 disparus. C'est la plus grande catastrophe naturelle à Taïwan depuis le tremblement de terre de septembre 1999.

Face à la contestation, un remaniement ministériel a été annoncé, jeudi 20 août, par le premier ministre après la décision du ministre de la défense et du vice-ministre des affaires étrangères de remettre leur démission.

Lors d'une conférence de presse, mardi, Ma Ying-jeou et plusieurs de ses ministres se sont excusés, s'inclinant longuement devant les caméras.

Fief du Parti démocrate progressiste (DPP), le sud rural de l'île, touché par le typhon, concentre la frange de l'électorat taïwanais la moins proche de M. Ma. Ce dernier a été réélu, fin juillet, dirigeant du Kuomintang (KMT) avec le soutien de l'élite urbaine sensible à sa politique pro-chinoise.

Crédité pour le réchauffement des relations avec Pékin après deux mandats de son prédécesseur, Chen Shui-bian, honni par Pékin pour ses vues indépendantistes, l'actuel président taïwanais, élu en mars 2008, a vu sa popularité s'éroder. Elle est passée de 35 % d'opinions favorables avant le typhon, à 29 % mercredi.

Les faux pas du président - critiqué, y compris dans son camp, pour son manque de leadership - sont analysés au regard de son zèle pro-chinois. La proximité avec la Chine a eu des conséquences bénéfiques sur le terrain économique, mais elle est mal perçue quand elle dessert les citoyens de Taïwan. Le refus de l'aide étrangère après le passage du typhon a été attribué à la crainte de l'administration Ma d'offenser la Chine. Le gouvernement a assuré qu'il s'agissait d'une erreur technique.

Commandes annulées

Par ailleurs, dans l'un des villages détruits par le typhon, les habitants ont initialement refusé des maisons préfabriquées offertes par la Chine, au prétexte qu'elles pouvaient contenir des toxines. Lors de sa conférence de presse, mardi, M. Ma a annulé la commande de quinze des soixante hélicoptères Blackhawk américains au profit de matériel de secours. Il a, enfin, promis une réorganisation de la chaîne de commandement en cas de désastres naturels.

Le président a annoncé qu'" en raison des changements climatiques, des désastres tels que Morakot sont de moins en moins rares, et nous devons nous préparer au pire ". La tâche de l'armée est " bien sûr de défendre Taïwan, mais notre ennemi, ce ne sont pas nécessairement les gens de l'autre côté du détroit de Formose, mais la nature ", a-t-il déclaré.

Brice Pedroletti (Shanghaï, correspondant)

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