Non, la Chine ne propulse pas toujours vers les sommets les cours des matières premières, comme on pourrait le croire au vu des courbes des prix du cuivre, du charbon, du nickel ou du pétrole. Il lui arrive même de plomber carrément un métal, l'aluminium en l'occurrence, qui ne parvient pas à franchir la ligne des 2 000 dollars la tonne, prix en dessous duquel un dixième des capacités de ses fonderies sont déficitaires. Le 23 octobre, à Londres, la tonne d'aluminium à trois mois se traînait à 1 972 dollars, à peu près au même niveau depuis quatre mois, loin des 3 300 dollars du mois de juillet 2008 et un peu au-dessus de l'étiage de 1 290 dollars de février 2009.
Volontarisme industriel
« Il y a trois ans, nous pensions que l'aluminium allait profiter comme les autres métaux d'une explosion de la demande, commente Olivier Eugène, analyste chez Axa Investment Managers. En effet, il est incontournable dans des secteurs qui étaient en pleine croissance comme la construction, les transports ou les emballages. » C'était compter sans le volontarisme industriel de Pékin, qui s'était mis à construire des fonderies à tour de bras, et qui a offert à ses mastodontes, comme Chinalco, une électricité largement subventionnée. « Nous n'avons pas vu venir le coup, explique Olivier Eugène. En 1980, la Chine ne représentait pas plus de 3 % de la production mondiale d'aluminium; cette année, elle est le premier producteur avec plus de 35 % du marché. »
Cette offre géante s'est présentée au moment où la récession a fait fondre la demande sauf en matière d'emballages, les boîtes de soda ou de bière ayant moins souffert que les Airbus ou les Renault dans les arbitrages des consommateurs. Résultat, les stocks ont explosé à 4,5 millions de tonnes (plus 0,5 million chez les producteurs) - soit deux mois de consommation mondiale - et les prix se traînent à un niveau médiocre, sans perspective de regain à court terme.
Certes, la crise a obligé à mettre en sommeil les installations les moins rentables, de la Norvège au Canada, mais de nombreux projets de fonderies ultramodernes pointent leur nez, notamment dans le Golfe arabo-persique, où le gaz omniprésent promet un kilowatt - et donc un aluminium - compétitif. Pour Olivier Eugène, il y a peu de chances que les prix se redressent. A moins que le dollar s'effondre ou que la reprise soit assez somptueuse pour faire fondre les stocks d'aluminium à toute allure.
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