La Chine n'a jamais reconnu l'indépendance de Taïwan, aussi l'exposition à voir jusqu'au 10 janvier 2010 à Taipei marque-t-elle une date. Non pas à cause de son sujet, consacré à l'empereur Yongzheng (1723-1735), connu pour sa cruauté mais aussi pour son raffinement, et dont la mort soudaine reste énigmatique. Mais parce que le Musée du palais de Pékin a prêté trente-sept pièces au Musée national du palais de Taipei. En soixante ans, les deux institutions ne s'étaient jamais parlé.
Trente-sept pièces, c'est modeste dans une exposition qui compte 500 objets. Mais le différend est lourd. En 1949, battant en retraite face aux communistes de Mao, Tchang Kaï-chek s'est réfugié à Taïwan avec 650 000 pièces provenant de la Cité interdite. " Un vol " des collections impériales, selon Pékin; " sauvetage ", répondent les nationalistes.
Homme de goût
On aime dire à Taipei que l'homme de goût qu'était Tchang Kaï-chek a choisi le meilleur, laissant sur place ce qui n'était pas exceptionnel. Cette exposition n'offre guère de démenti, à quelques exceptions près, comme cet imposant portrait de l'empereur Yongzheng sur son trône, vêtu d'une robe dorée brodée de neuf dragons, et coiffé d'un chapeau d'été tressé et orné de perles.
Le conservateur du Musée de Pékin, Zheng Xinmiao, pense que la principale contribution de son pays à l'exposition est le sceau de l'empereur, dont les caractères affirment : " Etre le chef est difficile. "
Dans une peinture envoyée par Pékin, les habitués du Musée de Taipei reconnaissent sur l'étagère en fond deux objets phares de leur musée : une porcelaine du fameux bleu-vert " du ciel après la pluie ", datant d'il y a huit siècles, et un pichet sang de boeuf en forme de " chapeau de moine ".
" Cela ne nous a pas étonnés de voir nos objets peints sur ces tableaux ", déclare, amusée, la présidente des guides du Musée de Taipei, Beatrice Liang. " Sur d'autres peintures célèbres, nous reconnaissons les livres que nous possédons. Pékin se vante d'avoir les étagères ! ", explique la conservatrice, Chou Kung-shin, qui avait ce projet depuis plus de trente ans.
Une exposition de retour en Chine est loin d'être envisagée. " Nous nous concentrons sur ce qui est faisable, les échanges de personnel, les accords commerciaux sur la reproduction d'oeuvres ", répond Mme Chou.
Pour l'Exposition universelle de Shanghaï, en 2010, la Chine aurait " beaucoup insisté " pour que Taïwan y envoie son rouleau peint sous l'empereur Chien-lung, Le Jour de Qingming au bord de la rivière, inspiré d'un tableau du même nom possédé par Pékin. Taïwan n'a pas cédé.
Florence de Changy (Taipei, envoyée spéciale)
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