Premiers échanges de tirs depuis sept ans, juste avant une visite d'Obama à Séoul.
L'odeur de la poudre plane de nouveau sur les eaux turbides de la mer Jaune, où les marines des deux Corées se sont affrontées, hier, pour la première fois depuis sept ans. « Le Nord a ouvert le feu sur notre bateau. Nous avons riposté lourdement, obligeant leur navire à rebrousser chemin », affirme l'état-major sud-coréen. Un accrochage qui n'aurait pas fait de victime, mais a laissé un navire nord-coréen en flammes et une quinzaine de trous dans la coque d'une vedette blindée du Sud.
L'échange de tirs aura duré moins de deux minutes, mais sonne comme une mise en garde pour Barack Obama qui effectuera ses premiers pas sur la péninsule coréenne dans huit jours, au terme d'une tournée asiatique qui le conduira au Japon, à Singapour pour le sommet de l'Apec, puis en Chine. Reliquat de la guerre froide, le conflit entre Pyongyang et Séoul peut à tout moment s'embraser, semble dire l'incident au président américain, qui veut faire avancer le dossier nucléaire nord-coréen durant son périple.
Jack Lang en mission à Pyongyang
« C'est un cadeau de bienvenue à Obama ! », affirme Baek Seungjoo, spécialiste au Korea Institute for Defense Analysis, proche du gouvernement sud-coréen. Pour lui, il n'y a pas de doute, l'escarmouche navale est une « provocation calculée du Nord visant à accroître les tensions ». Selon Séoul, la marine communiste aurait délibérément franchi de plus d'un kilomètre la Northern Limit Line (NLL) fixée par un général américain à la fin de la guerre de Corée en 1953, qui prolonge vers l'Ouest, en mer Jaune, le rideau de fer séparant toujours la péninsule. Cette frontière maritime n'a jamais été reconnue par Pyongyang, qui a immédiatement accusé le Sud d'avoir attaqué sa flotte et a exigé des excuses.
Lors de deux précédents affrontements, qui avaient fait plus d'une dizaine de morts en 1999 et 2002, la marine sud-coréenne avait fait preuve de retenue. Cette fois, elle n'a laissé aucune chance à son adversaire. Une fermeté voulue par le président Lee Myung-bak, qui a donné carte blanche à ses troupes avant de tenir une réunion d'urgence et d'appeler au calme. Depuis son arrivée au pouvoir en 2008, le dirigeant proaméricain a tourné le dos à la politique de la main tendue de ses prédécesseurs et répond à toutes les provocations de Kim Jong-il.
Mais nombre d'experts envisagent la thèse d'un accident non prémédité, car ils peinent à voir l'avantage que le régime stalinien du Nord pourrait tirer d'un nouveau coup de sang, au moment même où le président américain s'apprête à entrouvrir la porte du dialogue. « Cela n'a pas de sens de faire quelque chose de radical maintenant », estime Jong Kun-choi, chercheur à l'université Yonsei à Séoul. Alors que le dictateur multiplie depuis trois mois les appels du pied en direction de Washington pour obtenir l'ouverture de négociations bilatérales, un accrochage militaire risquerait de saborder ses efforts au moment où ils commencent à payer.
Après de longues hésitations, Barack Obama s'apprête à déléguer à Pyongyang dans quelques semaines son émissaire Stephen Bosworth pour évaluer les intentions nucléaires du « cher leader ». Avec l'espoir de le ramener dans le giron des pourparlers à six qu'il avait quittés brutalement au printemps. Si la Maison-Blanche doute de la volonté du dictateur d'abandonner la bombe, elle ne peut rester attentiste alors que le royaume ermite a recommencé à extraire du plutonium à des fins militaires dans son usine de Yongbyon. Tout en maintenant les sanctions, le président Obama veut jouer la carte diplomatique durant sa tournée asiatique pour prévenir de nouvelles provocations. Une dynamique sur laquelle mise Jack Lang, l'envoyé spécial de Nicolas Sarkozy : il a rencontré hier à Pyongyang le ministre des Affaires étrangères nord-coréen, pour faire miroiter un rapprochement avec la France en échange de concessions sur le nucléaire.
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