En visite à Pékin il y a huit jours après une escale à Tokyo, Barack Obama reçoit, aujourd’hui, le Premier ministre indien à la Maison-Blanche. En à peine plus d’une semaine, le président américain se sera ainsi entretenu avec les dirigeants des trois plus grandes puissances asiatiques, décidément bien plus présentes à son esprit, et pour des raisons claires, que l’Union européenne ou aucun de ses pays membres.
Il n’y a pas de guerre en Europe. L’Union s’affirme bien trop lentement pour poser le moindre défi politique aux Etats-Unis qui n’ont pas même besoin d’elle face à une Russie dont ils se rapprochent à grands pas. Pour l’Amérique, l’Europe est un allié tranquille qui ne lui demande pas beaucoup d’attention alors que l’Asie est un concentré de difficultés pour la diplomatie américaine.
Désormais gouverné par le centre gauche, le Japon ne veut plus être un simple vassal des Etats-Unis qui l’avaient reconstruit après sa défaite. Bastion avancé des Occidentaux en Asie durant tout l’après-guerre, alors uni à l’Amérique par une même crainte de la Chine communiste et de l’Inde tiers-mondiste, à l’époque alliée de l’URSS, le Japon veut désormais s’émanciper, renégocier ses accords avec Washington et jouer sa propre carte en Asie en trouvant un modus vivendi politique avec la Chine dont il est d’ores et déjà l’un des tout premiers partenaires commerciaux. Ce n’est pas que le Japon rompe avec les Etats-Unis mais son évolution leur fait craindre de ne plus beaucoup peser, un jour, dans la région face à une connivence sino-japonaise qui, paradoxalement, s’affirme. Quant à l’Inde et à la Chine, c’est l’inverse. Ce sont leurs rivalités et leurs tensions qui posent problème à Barack Obama.
Dans l’absolu, les Etats-Unis ne devraient avoir qu’à se réjouir des divisions entre ces deux pays les plus peuplés du monde – un milliard quatre cent millions d’habitants pour la Chine, un milliard deux cents millions pour l’Inde. C’est si vrai qu’ils s’étaient résolus, sous Georges Bush, à lever toutes les sanctions qu’ils avaient prises contre l’Inde après qu’elle eut entamé sa marche vers l’arme atomique. Les Etats-Unis avaient alors voulu se réconcilier avec New Delhi afin de ne pas s’enfermer dans un tête-à-tête avec Pékin mais la crise de Wall Street les a rendus si économiquement dépendants de la Chine qu’ils ont désormais du mal à tenir la balance égale entre ces deux géants.
Les Indiens ne veulent pas d’un axe privilégie entre l’Amérique et la Chine qui demeure leur grande rivale continentale. C’est ce que leur Premier ministre, avec toute la subtilité requise, dira à Barack Obama qui n’est pas en situation d’ignorer ce message non seulement parce que les Etats-Unis ont plus que jamais besoin d’un contrepoids face à la Chine mais aussi parce qu’il y a l’Afghanistan. Dans cette guerre tellement incertaine, l’Inde est indispensable aux Etats-Unis dans la mesure où elle ne voudrait à aucun prix que le Pakistan, allié de la Chine avec lequel elle est en conflit depuis 1947, reprenne pied à Kabul à la faveur d’une victoire des taliban. L’Amérique ne peut pas se passer de l’Inde. L’équation asiatique est, pour elle, plus que complexe.
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