L'afflux de liquidités provoque encore une flambée boursière à Hongkong et en Chine.
Un an après avoir atteint, fin octobre 2008, son plus bas niveau en cinq ans, l'indice Hangseng de la Bourse de Hongkong a rebondi de 72 %. Les liquidités affluent et l'immobilier de prestige est de nouveau en surchauffe.
Il est vrai que, même s'ils opèrent sur un espace financier ouvert, les marchés boursiers de la Région économique spéciale de Hongkong sont génétiquement liés à l'économie de la Chine (50 % de leur capitalisation est le fait de sociétés chinoises). Or, les places de Shanghaï et de Shenzhen offrent, elles, un accès très limité aux investisseurs étrangers.
Hongkong se situe donc au confluent de deux phénomènes haussiers : la reprise des bourses mondiales d'une part et l'expansion de l'économie chinoise d'autre part. Et cette dernière pèse lourd : l'indice des actions H - composé de sociétés chinoises cotées à Hongkong mais dont le siège est en Chine - a ainsi mis moins de huit mois pour doubler de valeur.
C'est pourtant sur les marchés boursiers de Chine populaire que l'accès de fièvre s'est d'abord fait sentir : l'indice composite de la Bourse de Shanghaï, devenue en 2009 la deuxième capitalisation du monde devant Tokyo, s'est pareillement envolé depuis un an. Une série de corrections ont certes infléchi cette tendance au cours de l'été mais le terrain perdu a déjà été récupéré. Et il n'y a guère que les annonces du gouvernement chinois évoquant un resserrement de la politique monétaire pour entraver sa marche en avant.
Exubérance
Et pour cause : Pékin a confié aux banques le soin de financer une bonne partie des projets proposés par les provinces dans le cadre du plan de relance de 400 milliards d'euros en deux ans annoncés fin 2008. La flamboyante reprise chinoise (+ 7,7 % sur les neuf premiers mois de l'année 2009) s'est donc faite à crédit : quelque 8 670 milliards de yuans (867 milliards d'euros) ont ainsi été déboursés de janvier à septembre 2009, soit 75 % de plus que pour l'intégralité de l'année 2008.
Or, les entreprises d'Etat, notamment celles du BTP lancées dans les chantiers d'infrastructure industrielle et de transport, et celles du secteur énergétique, forment la quasi-totalité des sociétés cotées à Shanghaï. Ce sont elles qui alimentent l'euphorie boursière actuelle. Non sans paradoxe, car les surcapacités, désormais avérées, devraient en théorie peser négativement sur les profits à venir.
Autre signe révélateur de l'irrationalité des marchés boursiers de la région, les titres des banques chinoises à Hongkong ne s'étaient pas portés aussi bien depuis longtemps; pourtant, la principale inconnue de la relance à crédit chinoise porte justement sur les montagnes de mauvaises créances qu'une telle allocation arbitraire du capital va générer.
L'exubérance des marchés chinois tient également au fait qu'ils ont bénéficié directement d'un afflux suspect de liquidités : " Le plan de relance a renforcé des tendances, déjà perceptibles avant la crise, d'une financiarisation de l'économie potentiellement dangereuse, signale l'économiste Jean-François Huchet, directeur du Centre d'études français sur la Chine contemporaine (Hongkong). On estime ainsi que près de 20 % des fonds alloués dans le cadre du plan de relance ont été placés par les entreprises de manière spéculative sur les Bourses de Shanghaï et de Hongkong. Ce qui leur permet de gonfler leur profit de manière artificielle et d'augmenter leur capacité d'endettement. "
Le modèle de croissance de la Chine est engagé, dit l'économiste, dans une " fuite en avant " qui provoque la formation des bulles : selon une étude récente de Pivot Capital Management, l'économie chinoise est, sur certains critères (ratio au produit intérieur brut de la formation brute de capital fixe et du crédit domestique), à des niveaux très proches de ceux du Japon de 1991, de la Thaïlande de 1997 et... des Etats-Unis de 2008. " Tout cela indique que l'expansion du crédit ne va pas pouvoir se prolonger bien longtemps sans risque de provoquer une crise majeure ", préviennent les auteurs du rapport.
En outre, signalent-ils, la capacité du crédit domestique à générer de la croissance diminue en efficacité : " Les crédits se dirigent vers l'immobilier de luxe et les marchés boursiers, mais l'effet d'entraînement sur l'économie réelle est en réalité très faible. " Les capitaines éclairés de l'économie chinoise sauront-ils redresser la barre à temps ? Rien n'est moins sûr.
Brice Pedroletti
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