mardi 3 novembre 2009

EXPO 2010 - Shanghai se rêve en ville verte

Le Soir - 1E - MONDE, mardi, 3 novembre 2009, p. 14

Intenses préparatifs six mois avant l'Exposition universelle.

Le ballet de grues, de tunneliers et de bétonneuses s'accélère pour achever dans les temps les objectifs plus qu'ambitieux que s'est fixés le pays pour l'Expo 2010.

A six mois de l'Exposition universelle, prévue entre le 1er mai et le 31 octobre, on montre fièrement le « plus grand chantier du monde », 8.000 constructions de toutes tailles : trois nouvelles lignes de métro, quatre lignes prolongées ; et alors que la capacité de l'aéroport international de Pudong doit plus que doubler pour atteindre 80 millions de passagers en 2015, on multiplie les tunnels et les autoroutes sous le fleuve Huangpu.

En ville, on peaufine, tout ce qui est visible est repeint. Sur le site, l'ingénieur en chef, She Zhipeng, est confiant. « Les travaux avancent très vite, nous serons prêts à temps. » En effet, depuis le toit de son bureau qui surplombe le chantier, on peut déjà admirer l'architecture rouge vif du pavillon chinois au milieu d'autres constructions emblématiques de l'Expo presque achevées.

Shanghai et la Chine veulent faire de cette grande foire une nouvelle démonstration de puissance. Comme les JO de Pékin l'été dernier, l'Expo 2010 doit frapper le monde par sa démesure. On attend 70 à 100 millions de visiteurs ; le nombre de participants, 192 Etats et 42 organisations internationales, est aussi historique, tout comme la superficie du parc 5,28 km2. Le budget s'élève à 1,8 milliard d'euros pour le site et 1 milliard supplémentaire pour le fonctionnement, « plus quatre milliards en travaux divers dans la ville », ajoute Chen Xinkang, économiste à l'université de finance et d'économie de Shanghai. D'après ses prévisions, l'événement sera immédiatement rentable mais il doit surtout permettre à Shanghai, en perte de vitesse depuis deux ans, de renouer avec une croissance à deux chiffres en changeant son positionnement. De ville industrielle à ville tournée vers les services. Avec les bâtiments de l'Expo, Shanghai comptera enfin les structures qui lui faisaient défaut pour accueillir de grands événements internationaux, notamment une salle de spectacle d'une capacité de 18.000 personnes.

Avec son slogan « Meilleure ville, meilleure vie », l'Expo doit surtout transformer Shanghai en ville « verte ». « Nous avons choisi un site central, c'était le poumon de la ville atteint d'un cancer, explique Xu Bo, commissaire général adjoint de l'exposition. Il y avait là 272 usines très polluantes comme des fonderies ou des chantiers navals. Par ce choix nous améliorons déjà la ville. » L'eau du fleuve voisin sera utilisée pour rafraîchir les différents pavillons et économiser ainsi de l'énergie, les bancs sont fabriqués à partir d'emballages recyclés, les routes à partir de vieux pneus etc.

Mais l'ambition chinoise ne s'arrête pas là. « Shanghai deviendra un modèle pour la Chine et le monde en proposant de nouveaux concepts et des applications concrètes », veut croire She Zhipeng. C'est prévu, un sommet international impliquant l'ONU va adopter « la déclaration de Shanghai », un programme de la ville idéale avec des orientations pour les urbanistes du futur.

Espérons qu'il ne s'agisse pas uniquement d'une belle opération de communication. La Chine a remplacé les Etats-Unis comme premier pays émetteur de gaz à effet de serre. Selon les chiffres officiels, 28 % des rivières sont impropres à toute consommation, la qualité de l'air est insuffisante dans 46 % des villes. Les questions de terres polluées, de fuites toxiques ou de récoltes contaminées entraînent une grogne de plus en plus inquiétante. A tel point que le ministre de l'Ecologie, Pan Yue, n'hésite pas à affirmer que « l'environnement est devenu l'un des principaux facteurs affectant la sûreté nationale et la stabilité sociale ».

Mauvais signal, les organisateurs de l'Expo ont d'ores et déjà annoncé que 60 % des bâtiments, tous financés par les pays participants, seront détruits. Soit des tonnes d'acier, de ciment, de verre, etc. gaspillées et un bien mauvais départ pour la ville verte du futur.

EMILIE TORGEMEN

© Rossel & Cie S.A. - LE SOIR Bruxelles, 2009

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