Singapour pointe du doigt les zones chinoises encore protégées
L'accusation de pratiquer un «double standard» fiscal flotte, de nouveau, au-dessus de l'OCDE. Et, par voie de ricochet, au-dessus de la Commission européenne qui entend arracher un accord aux Vingt-Sept, le 2 décembre, sur son projet de directive enracinant «l'entraide administrative fiscale» entre Etats membres de l'UE, malgré les objections du Luxembourg et de l'Autriche.
Les plaintes, cette fois-ci, n'émanent pas de la Suisse ou du Grand-Duché. Elles proviennent de Singapour. Après avoir signé vendredi avec la France sa douzième convention de double imposition révisée pour intégrer l'échange d'informations fiscales conforme aux standards de l'OCDE, la ville-Etat asiatique s'interroge sur le retard pris en la matière par ses deux places financières rivales en Asie orientale: Hongkong et Macao. «Sur ces deux territoires, les pressions internationales sont nulles ou presque, commente un diplomate singapourien. On a l'impression que quoi qu'il arrive, tutelle chinoise oblige, leurs gouvernements peuvent dormir tranquilles.»
L'énervement de Singapour est compréhensible. En voyage ces jours-ci en Extrême-Orient, notamment pour participer ce week-end au sommet Asie-Pacifique (APEC) à Singapour, le président américain Barack Obama, hôte fin septembre du second sommet du G20 à Pittsburgh - lequel a, de nouveau, dénoncé les paradis fiscaux - est resté muet sur le sujet.
Plus préoccupant encore: le dernier rapport de l'OCDE sur sa campagne anti-évasion fiscale, rendu public le 13 novembre (lire ci-dessous), se félicite que Hongkong et Macao ont «chacun annoncé la révision de leur législation en 2009 en vue de se conformer aux standards fiscaux internationaux». Et ce, alors que le Conseil législatif de Hongkong (Legco) n'a toujours pas voté le projet de loi en question, malgré l'avis positif rendu par plusieurs grands cabinets juridiques internationaux. Pour la Suisse, ce «trou» dans les exigences de l'OCDE est un argument potentiel dans les discussions à venir avec Bruxelles. La Commission européenne, en effet, a ouvert le chantier de la révision de sa directive sur la fiscalité de l'épargne. Ce qui entraînera une modification de l'accord bilatéral «miroir» entre la Confédération et l'UE. Le commissaire sortant à la Fiscalité, le Hongrois Laszlo Kovacs, rêve également d'obtenir des Vingt-Sept, avant son départ annoncé, le mandat pour négocier en leur nom un accord avec les pays tiers - dont la Suisse - pour «graver dans le marbre» l'échange d'informations fiscales à la demande.
Or, avancer sur ces dossiers, sans garanties d'une coopération équivalente de centres financiers aussi importants que Hongkong ou Macao, n'a guère de sens: «On bute sur un os: l'intransigeance de Pékin», reconnaît un bon connaisseur du dossier. Dossier d'autant plus symbolique qu'à l'automne 2010, le sommet bi-annuel Europe-Asie (ASEM) aura lieu à Bruxelles, sous la présidence tournante belge de l'UE.
Car c'est bien à Pékin que tout se joue. On se souvient qu'au G20 de Londres, le 2 avril, le président chinois Hu Jintao avait exigé que Hongkong et Macao, malgré leur secret bancaire, ne figurent pas sur la liste «grise» mais soient juste mentionnés dans un entrefilet discret de bas de page. Une position résumée le jour même par le porte-parole du Ministère chinois des affaires étrangères, Qin Gang: «La Chine, avait-il expliqué, est un pays responsable et soutient absolument les efforts internationaux visant à résoudre le problème de l'évasion fiscale [...] Mais notre point de vue ne serait pas le même si les régions chinoises sous administration spéciale de Hongkong et de Macao était considérées comme des paradis fiscaux.»
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