Les Occidentaux ont laissé la Chine manipuler son taux de change et accumuler des réserves en devises telles qu'elle est aujourd'hui l'intervenant le plus influent sur le cours entre l'euro et le dollar.
Inutile de rêver. Pas plus que le président Obama, la semaine dernière, le trio de hauts responsables européens n'obtiendra dimanche des dirigeants chinois ce qu'ils sont venus chercher : un calendrier d'appréciation du yuan, monnaie non convertible et entièrement aux mains de Pékin. Pourtant « il y a urgence, car la sous-évaluation de la monnaie chinoise déstabilise les pays du G7 », affirme le président d'AB Marchés, Antoine Brunet, qui juge sévèrement la politique monétaire chinoise et suggère la manière forte vis-à-vis de Pékin. « La Chine domine le monde par ses réserves en devises considérables. Et l'on tolère sans réagir une politique de change inacceptable », s'insurge-t-il. Les dégâts provoqués sont immenses, selon lui, et se mesurent à l'aune des déficits colossaux répétés que subissent les partenaires de la Chine : 150 milliards de dollars sur les 12 derniers mois pour les Etats-Unis, 124 milliards pour l'Union européenne. Les pays occidentaux sont à ses yeux doublement pénalisés par cette situation : « La Chine a contribué à désindustrialiser les pays du G7. Elle leur a tendu un énorme piège en incitant les grandes entreprises à y produire. » L'Europe et les Etats-Unis se rendent compte aujourd'hui que l'intérêt de leurs grandes entreprises ne coïncide plus avec le leur. Deuxième punition : « Des déficits extérieurs répétés gonflent la dette extérieure. Mais ils sont aussi porteur de récession. » L'économiste cite l'exemple américain où entre 2003 et 2007 le déficit extérieur représentait 6 % du PIB « Durant cette période, le PIB a augmenté d'environ 1 % par trimestre. Mais cela ne fut possible que parce que, trimestre après trimestre, la dépense globale (ménages, entreprises, Etats) dépassait de 7 % leur revenu global au trimestre antérieur » Comment ? « par une fuite en avant dans l'endettement », tandis que le président de la Réserve fédérale, Alan Greenspan, se vantait de pouvoir neutraliser l'impact récessif du déficit extérieur.
Protectionnisme monétaire
Alain Brunet juge plus généralement la politique de la Chine « non coopérative » . Il impute aux autorités de Pékin d'avoir déclenché la panique entre mars et août 2008 sur la signature des agences de refinancement hypothécaire américaines, Freddie Mac et Fannie Mae, qui conduira à leur nationalisation en septembre 2008 ; puis l'interruption brutale de l'appréciation du yuan en juillet 2008, en pleine crise financière, refermant la parenthèse ouverte en juillet 2005, qui avait permis le renchérissement de 20 % du yuan. Surtout, il note la double campagne de dénigrement du dollar et de promotion de l'or qu'a mené la Chine depuis les déclarations du secrétaire au Trésor, Tim Geithner, en janvier 2009 , affirmant que la Chine manipule sa monnaie. Pour Antoine Brunet, « il s'agit d'une campagne destinée à atteindre le dollar dans son statut ».
L'économiste ne croit pas une seconde à la bonne volonté de la Chine qui pratique « un protectionnisme monétaire éhonté » fixant le cours dollar-yuan à 6,83 depuis 18 mois alors que selon le FMI, il devrait être à 3,60. Convaincu qu'elle ne cédera que sous la pression, il suggère « une initiative commune forte de l'Europe et des Etats-Unis », qui prendrait la forme d'un « protectionnisme douanier ». Il regrette au passage que seul ce dernier soit interdit. « Si les Etats-Unis et l'Europe menaçaient de relever de 100 % les droits de douane sur les produits chinois, Pékin modifierait son attitude. » En 1971, c'est la solution qu'avait imposée avec succès le président américain Richard Nixon à l'Allemagne et au Japon pour qu'ils réévaluent leur monnaie. Si le temps presse, c'est qu'on en est arrivé au point où la Chine maîtrise les mouvements de change entre l'euro et le dollar. La preuve ? Début 2009, alors que s'ouvre la campagne de dénigrement des Chinois, l'euro vaut 1,23 dollar. A la mi-octobre, il est monté à 1,50. « La Chine détient 2.800 milliards de dollars de réserves. Lorsqu'elle en déplace 1 %, ce sont 28 milliards de dollars qui transitent sur le marché. Elle est, de loin, l'intervenant le plus influent sur le cours euro-dollar. » Au point de créer la zizanie entre l'Europe et les Etats-Unis.
CATHERINE CHATIGNOUX
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