mercredi 30 décembre 2009

Chine : la pollution tue 300 000 personnes par an - Yves Miserey

Le Figaro, no. 20346 - Le Figaro, mercredi, 30 décembre 2009, p. 11 - Sciences

L'utilisation massive du charbon et l'essor de l'automobile rendent les villes irrespirables.

En se focalisant sur les gaz à effet de serre, le sommet de Copenhague a pu masquer le fait que la croissance chinoise se fait encore au prix d'une pollution massive de l'environnement. La question avait été évoquée l'an dernier, à l'occasion des Jeux olympiques de Pékin. Elle reste d'actualité. « Les problèmes environnementaux de la Chine, qui vont de la pollution atmosphérique à celle de l'air intérieur, de la contamination à la pénurie de l'eau, en passant par la désertification et la dégradation des sols, sont devenus plus prononcés et exposent la population à de graves risques sanitaires », explique Haidong Kan, de l'université Fudan (Shanghaï), dans l'éditorial de la revue américaine Environmental Health Perspectives, traduite depuis 2001 en chinois.

« Dans les villes chinoises, la pollution atmosphérique est le premier problème de santé publique », souligne Haidong Kan. L'utilisation massive du charbon comme combustible (75 %) rejette de grosses quantités de dioxyde de soufre (SO2), de dioxyde d'azote (NO2) et de PM10, des particules d'un diamètre inférieur à 10 micromètres. L'essor du trafic automobile fait que la situation ressemble à celle des pays industriels dans les années 1960. Les taux de PM10 et de SO2 relevés dans les cent plus grandes villes dépassent de beaucoup les normes européennes.

Il n'y a pas eu à ce jour de véritable étude épidémiologique en Chine pour évaluer l'impact de la pollution mais des études croisées à Pékin, Shenyang et Benxi montrent une augmentation de la mortalité associée à une exposition sur le long terme à la pollution. L'OMS a calculé de son côté que la pollution provoquerait la mort prématurée de 300 000 personnes par an. Un coût global chiffré par la Banque mondiale entre 20 et 75 milliards de dollars par an.

La cuisine et le chauffage étant assurés par le charbon et d'autres combustibles solides, l'air intérieur est lui aussi très pollué. Cette pratique très courante dans les zones rurales, selon l'OMS, provoquerait chaque année la mort prématurée de 420 000 personnes par cancer du poumon ou infections respiratoires.

Mauvaise qualité des eaux

La contamination des rivières s'est aggravée de 2000 à 2008 alors qu'elle a légèrement diminué dans le sud du pays, rappelle Haidong Kan, citant les données du ministère de l'Environnement. Le bilan est néanmoins catastrophique : dans un quart des 200 principaux cours d'eau, la qualité des eaux est telle qu'elles ne devraient même pas être utilisées pour l'irrigation. Les deux tiers des populations rurales n'ont pas accès à l'eau courante. Cancers des voies digestives, hépatites et choléra sont fréquents. La Banque mondiale chiffre à 8 milliards de dollars par an le coût des maladies provoquées par la mauvaise qualité des eaux.

On dit volontiers que la Chine est devenue l'usine du monde. Résultat, la pollution des sols par les métaux lourds (plomb, mercure, chrome, cadmium et arsenic) est devenue un problème majeur, suscitant l'hostilité des populations. En septembre dernier, cinq entreprises ont dû fermer sous la pression des habitants (Lancet, 12-18 septembre 2009). Des analyses sanguines avaient révélé chez les enfants des taux de plomb dépassant 100 milligrammes par litre de sang, le seuil légal de danger en France est de 50 microgrammes par litre.

Le premier plan national d'action pour la santé et l'environnement a été lancé en 2007. Tout reste à faire, conclut Haidong Kan.

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