jeudi 17 décembre 2009

La Chine choisit le duo Safran-GE pour motoriser son futur avion

Les Echos, no. 20575 - Industrie, jeudi, 17 décembre 2009, p. 19

Le futur concurrent chinois de l'Airbus 320 et du Boeing 737 sera équipé du Leap X développé par la filiale de Safran et General Electric. C'est un succès majeur pour le duo franco-américain. L'accord devrait être signé lundi à Pékin.

Mauvaise nouvelle pour Airbus et Boeing. Le futur avion moyen-courrier chinois C919, qui viendra concurrencer l'A320 et le B737 aux alentours de 2016, sera doté d'une motorisation dernier cri : le Leap X de CFM International, encore en cours de développement chez Snecma et General Electric (GE). La coentreprise franco-américaine de Safran et GE vient en effet d'être sélectionnée par la Chine pour fournir les moteurs du premier avion chinois moderne de 150 à 200 sièges, qui devrait faire son premier vol en 2014. Nexcelle, une autre filiale à 50-50 de Safran et GE, fournira les nacelles des moteurs, selon des sources concordantes. Cet accord devrait être officialisé lundi, lors de la visite en Chine du Premier ministre, François Fillon, en compagnie du patron de Safran, Jean-Paul Herteman. Interrogées, les entreprises concernées ont refusé de commenter l'information.

D'autres motoristes, comme Pratt & Whitney et Rolls-Royce, pourraient également être sélectionnés ultérieurement pour le C919. Cette première sélection n'en constitue pas moins un succès majeur pour Safran et GE et une source de revenus potentiels considérables sur les vingt prochaines années. La Comac - le nouvel avionneur chinois en charge du C919 -vise en effet une production annuelle de 150 appareils durant cette période, ce qui pourrait générer sur la durée de vie de ses appareils plusieurs milliards de dollars de chiffre d'affaires. « Si tout se passe bien. C'est potentiellement énorme », soufflait hier un industriel à Shanghai. L'accord permet à Safran de se renforcer sur un marché chinois des équipements aéronautiques, estimé à quelque 200 milliards de dollars d'ici à 2050, qui reste dominé par les entreprises nord-américaines.

Pour l'emporter, le groupe français et son partenaire américain, qui ont déjà deux usines en Chine, ont multiplié les partenariats avec des industriels locaux. Fin septembre, Jean-Paul Herteman était ainsi venu à Pékin signer deux accords-cadres portant sur le développement de trains d'atterrissage, de freins et de nacelles avec Avic Aircraft, une filiale du tout-puissant holding d'Etat Avic, qui contrôle l'industrie aéronautique du pays et détient surtout 20 % de la Comac. Mais, surtout, Safran et GE ont dû aller au-delà de leur proposition initiale, qui se limitait aux versions actuelles du CFM, en offrant aux Chinois le nouveau Leap X, qu'ils destinaient initialement à Airbus et à Boeing.

Naissance d'un concurrent

Cette ultime évolution du moteur CFM, qui devrait être certifiée en 2016, offrirait un gain de consommation d'environ 16 % comparé aux moteurs actuels, grâce à l'utilisation de matériaux composites à la pointe de l'art. De quoi conférer au C919 un net avantage sur les appareils d'Airbus et de Boeing, qui s'interrogent encore sur la nécessité de remotoriser leurs moyen-courriers. Selon nos informations, l'avion chinois ne serait toutefois équipé que de la première version du Leap X ; une deuxième version, plus performante, étant prévue pour 2017. Cet accord devrait également permettre aux Chinois de réaliser une autre de leurs ambitions : la création d'une usine de moteurs d'avions, en partenariat avec CFM International, pour compléter leur programme aéronautique. Des discussions sont déjà engagées à ce sujet avec les principaux motoristes occidentaux. Le choix de CFM pour le C919 devrait logiquement préfigurer celui du futur partenaire industriel. Mais reste à savoir jusqu'où peuvent aller Safran et GE en matière de transfert de charges et de technologies à la Chine, sans risquer de mettre le pied à l'étrier à un futur concurrent.

BRUNO TREVIDIC ET YANN ROUSSEAU (À PEKIN).

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