Pour regagner du terrain sur les marques occidentales et japonaises qui dominent le marché chinois, les constructeurs du pays parient sur la prise de contrôle de technologies étrangères. Les autorités centrales surveillent le mouvement.
Depuis l'éclatement de la crise économique et la chute des résultats des grands constructeurs occidentaux et japonais, pas un trimestre ne s'est écoulé sans l'annonce d'une tentative d'acquisition d'actifs étrangers par un groupe chinois. Hier, après plusieurs mois de négociations, Geely a annoncé qu'il était sur le point de conclure le rachat du suédois Volvo Cars, dépassant les opérations précédentes. Dans la même journée, le groupe public Beijing Automotive Industry Holding Corp. (BAIC), qui ne produit pour l'instant que des modèles de marque étrangère en coentreprise, a expliqué qu'il comptait s'appuyer sur sa récente acquisition de certains actifs de Saab pour lancer sa propre gamme.
« Nous assistons à une tendance lourde de politique d'acquisitions par les constructeurs chinois, publics comme privés. C'est un phénomène qui devrait durer », explique Charles-Edouard Bouée, le président Asie du cabinet de conseil en stratégie Roland Berger. « Ces opérations correspondent aux mouvements de plaques tectoniques qui recouvrent plusieurs intérêts industriels, financiers et politiques différents », analyse-t-il.
Sur un marché chinois ultracompétitif et largement dominé par les marques étrangères, des dizaines de constructeurs chinois cherchent à s'imposer comme l'un des acteurs capables de concurrencer les géants occidentaux et asiatiques. Tous espèrent que l'acquisition d'une marque, la prise de contrôle de technologies étrangères et l'intégration d'un management rigoureux permettront d'accélérer leur ascension sur leur marché domestique. « Quelqu'un expliquait récemment que l'achat de la propriété intellectuelle de Saab pourrait raccourcir de quatre ou cinq ans le temps de développement de notre propre marque. Nous sommes plutôt d'accord avec cette analyse », confiait hier Xu Heyi, le président de BAIC.
Plusieurs opérations sabordées
Dans cette stratégie de long terme, la dimension financière du rachat est souvent considérée comme secondaire par les acquéreurs chinois et les mises en garde des analystes contre l'impossibilité de rentabiliser des marques, parfois dépassées en Occident, pèsent peu. « Il est certain que le retour sur investissement n'est pas la première des priorités », confirme Charles-Edouard Bouée, qui rappelle d'ailleurs que le financement des opérations semble toujours aisé. Les collectivités locales, qui contrôlent la plupart des constructeurs du pays et cherchent toutes à transformer leur ville en un « Detroit chinois », savent se montrer généreuses pour soutenir l'ambition de leur marque.
Si les autorités centrales encouragent l'émergence de champions locaux capables de concurrencer les groupes étrangers et semblent se réjouir de voir de l'argent public investi en Europe, pour casser leur dépendance aux placements en dollars, elles n'autorisent pas pour autant toutes les tentatives d'acquisitions. Soucieuses d'éviter des accidents industriels ou de provoquer d'éventuelles campagnes antichinoises à l'étranger provoquées par des projets de restructuration trop rudes, elles ont sabordé ces derniers mois plusieurs opérations.
Rappelant régulièrement la difficile transposition des managements chinois en Europe ou aux Etats-Unis, le gouvernement n'hésite pas à dresser la longue liste des acquisitions d'actifs étrangers ratées par ses sociétés. Beaucoup d'experts doutent ainsi de voir le fabricant de camions malaxeurs de béton Tengzhong obtenir un jour le feu vert pour racheter l'américain Hummer.
YANN ROUSSEAU
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