lundi 28 décembre 2009

La faiblesse inattendue des cours des céréales est appelée à se prolonger

Les Echos, no. 20581 - Marchés, lundi, 28 décembre 2009, p. 22

Le blé, le maïs et le soja étaient promis, il y a un an, à une belle performance de leurs prix. Promesse qui, cependant, n'a pas été tenue en raison à la fois d'une sortie de crise plus rapide qu'anticipé et de fondamentaux du marché physique.

Il y a tout juste un an, les spécialistes des matières premières n'avaient qu'un thème d'investissement à la bouche : celui des céréales. A trois mois seulement de la faillite de Lehman Brothers, la crainte d'une longue dépression générale hantait les marchés. En toute logique, les experts de la classe alternative d'actifs des ressources naturelles jetaient alors leur dévolu sur les produits les plus défensifs de la catégorie, les grains en tête. L'analogie avec la dynamique des secteurs boursiers les moins corrélés à la conjoncture, tels l'agroalimentaire et la pharmacie, est évidente. En période de crise et avant que les premières lueurs de redressement économique n'apparaissent, on se tourne en priorité vers les titres dont les fondamentaux de marché sont les moins corrélés à la croissance. Les grains occupent une place de choix parmi eux. Ce scénario pourtant empreint de bon sens ne s'est pas réalisé.

Le premier semestre a bien tenu ses promesses pour le blé, le maïs et les grains de soja. Début juin, le contrat coté à Chicago pour livraison en mars 2010 du premier a culminé à 7,4 dollars le boisseau de 27 kilos, le deuxième à 4,8 dollars et le dernier à 10,9 dollars. La tendance baissière s'est brutalement imposée au troisième trimestre pour laisser la place, depuis la rentrée, à une évolution erratique quelque peu soutenue par la faiblesse du billet vert. Bilan en 2009, le blé a perdu environ 22 % ; le maïs a cédé 11 % et le soja n'a gagné que 1 %.

Plusieurs raisons ont concouru à ce résultat mitigé. Avant tout, les investisseurs financiers ont arbitré en défaveur de ces produits pour saisir au maximum les opportunités du retournement conjoncturel et de l'éloignement du risque de grande dépression. L'appétit pour les matières premières les plus réactives à la croissance s'est soudainement manifesté en prisant notamment les plus sensibles et emblématiques d'entre elles, le cuivre et le pétrole brut.

Excédents de production

L'autre grand facteur de déprime provient des conditions du marché physique, ponctué, pour ce qui est des céréales dans leur totalité, par de larges excédents de production. D'après les statistiques les plus récentes publiées par le département de l'Agriculture des Etats-Unis (Usda), la consommation mondiale de grains en 2009-2010 devrait ressortir à 2,18 milliards de tonnes pour une offre globale estimée à 2,64 milliards de tonnes.

Faits aggravants, le commerce international de céréales est anticipé en repli de plus de 5 % en rythme annuel, à 264,80 millions de tonnes cependant que les stocks finaux vont croître de près de 3 %, à 456,89 millions de tonnes. La situation est encore plus grave pour le chef de file des céréales, le blé. En 2009-2010, l'offre mondiale devrait dépasser la demande de près de 191 millions de tonnes, volume correspondant à 23 % des 837,61 millions de tonnes de blé disponibles à l'achat. Qui plus est, les exportations vont décliner de plus de 12 % d'une saison à l'autre, à 124,67 millions de tonnes, et les stocks de fin de récolte vont croître de près de 17 %, à 190,91 millions de tonnes.

Réuni en assemblée annuelle le 10 décembre, le Conseil international des céréales (CIC) a constaté que les rendements des terres plantées en grains ont généralement augmenté en 2008 et 2009. « Les disponibilités actuelles de céréales sont aujourd'hui supérieures aux prévisions émises il y a un an », lit-on dans le communiqué délivré à la fin de la réunion londonienne. Sur les cinq ans jusqu'en 2014-2015, a-t-il ajouté, la production globale de céréales devrait grossir de 1,5 % en moyenne par an. Les grains de soja sont logés à la même enseigne que le blé.

L'Usda table sur une offre mondiale en 2009-2010 de 484,43 millions de tonnes, soit 38,5 % de plus que la consommation totale (349,72 millions de tonnes). Les réserves de fin de campagne sont aussi signalées en forte progression, à 69 millions de tonnes, débordant de plus de 23 % leurs quantités de 2008-2009. En revanche, le commerce mondial reste inchangé à environ 94 millions de tonnes grâce aux achats massifs réalisés par la Chine. Les prix ont fait machine arrière à des niveaux d'avant 2007-2008 dans des marchés très volatils, constate le CIC. Et cela devrait se poursuivre lors de la prochaine récolte au dire de Kona Haque, stratège matières premières chez Macquarie Bank. Elle se professe baissière sur le blé et les grains de soja et à peine neutre sur le maïs.

MASSIMO PRANDI

PHOTO - Reuters - Farmers shape a Chinese national flag using chillies and corn cobs in preparation for the upcoming 60th anniversary celebrations of the founding of the People's Republic of China, at a village in Tancheng, Shandong province September 22, 2009. The flag measures 15 meters in length and 10 meters in width, China Daily reported. Picture taken September 22, 2009.

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