Fraîchement arrivés de Chine, les pandas Wang Wang et Funi, dernières recrues du zoo d'Adélaïde, ont un programme chargé. Ils doivent non seulement attirer les touristes mais aussi convaincre les investisseurs chinois de s'intéresser au sous-sol de la région. C'est du moins ce qu'espère Kevin Foley, ministre des finances d'Australie-Méridionale, Etat riche en ressources énergétiques. " Ces beaux pandas seront une grande attraction et un atout pour convaincre les Chinois d'investir dans nos ressources et minéraux ", s'est-il félicité.
La déclaration illustre l'intérêt des Australiens pour les investisseurs chinois. Depuis les années 2000, la croissance du " Lucky country " a été dopée par la demande en ressources énergétiques, en particulier chinoise. Le pays est en passe de détrôner le Japon comme principal partenaire commercial de Canberra. En 2008-2009, les exportations vers la Chine représentaient 34,3 milliards de dollars (24 milliards d'euros), soit 17,1 % des exportations. Le minerai de fer acheté par Pékin a rapporté 22 milliards de dollars.
Mais les relations demeurent tendues. Car si les Australiens sont plus qu'heureux de vendre leurs matières premières, les investissements chinois dans les compagnies minières australiennes - qui représentent encore une infime minorité des placements de capitaux étrangers - inspirent encore la méfiance pour le public.
" C'est le pilier de notre croissance. D'où cette résistance. On a l'impression de vendre les bijoux de famille. Il y a toujours débat au sein du gouvernement sur le rachat de compagnies minières australiennes par des entreprises étatiques étrangères ", explique John Lee, chercheur au Centre d'études indépendantes de Sydney. En juin, la tension a culminé lorsque l'offre de levée de capitaux auprès du géant public de l'aluminium Chinalco a finalement été rejetée par le groupe anglo-australien Rio Tinto. Quelques semaines plus tard, Stern Hu, un responsable de Rio Tinto, était arrêté et emprisonné en Chine pour espionnage industriel.
Si l'" affaire Rio Tinto " a jeté un froid entre Canberra et Pékin, de nouveaux accords ont pourtant été scellés rapidement. " La peur était que Chinalco puisse peser sur la négociation des prix du minerai de fer. Mais depuis, les Chinois ont compris qu'ils ne pouvaient pas s'attaquer à d'aussi grosses compagnies, en tout cas pour le moment. Ils se concentrent donc sur de plus petits producteurs ", commente M. Lee.
Selon sa direction, le FIRB (Foreign Investment Review Board), l'organisme chargé d'approuver les demandes d'investissements étrangers, a reçu 90 propositions d'investissement chinois en un an et demi, pour plus de 26 milliards de dollars. " Je doute que la relation ait été affectée sur le long terme. Avec le rythme de son urbanisation, la Chine a de forts besoins en ressources énergétiques. Elle a besoin de diversifier ses sources ", souligne Frank Tudor, président du Conseil des affaires sino-australien.
Lors de sa visite en Australie fin octobre, le vice-premier ministre chinois, Li Keqiang, a plaidé pour un nouveau type de coopération : " Nous devrions regarder le tableau complet et nous assurer que nos relations bilatérales atteignent un nouveau niveau, de plus grande profondeur. " Pour Peter Drysdale, professeur d'économie à l'université nationale australienne, " c'était une visite très importante, qui a donné l'occasion à l'Australie comme à la Chine de se rassurer l'une l'autre. Et permis de clarifier la confusion des mois précédents ".
Plusieurs opérations ont d'ailleurs obtenu le feu vert de Canberra. Le rachat du mineur de charbon Felix Resources par Yanzhou Coal Mining a été approuvé, en octobre, pour près de 3 milliards de dollars. Le géant chinois Baosteel a été autorisé à racheter 15 % du mineur Aquila. En revanche, le FIRB a rejeté la proposition de China Nonferrous Metal Mining (CNMC), qui souhaitait acquérir plus de 49,9 % du mineur de terres rares Lynas. Un refus probablement motivé par la mainmise de la Chine sur la production mondiale de terres rares. Le FIRB s'est aussi opposé, dans un premier temps, au rachat d'Oz Minerals par la compagnie publique chinoise Minmetals.
Du coup, le FIRB a été critiqué pour son manque de clarté et même soupçonné de discrimination vis-à-vis des Chinois. En septembre, son directeur, Patrick Colmer, a expliqué que Canberra préférait que les investissements d'entreprises publiques étrangères restent limités à 15 % pour les producteurs majeurs. " Cependant, cela reste une approche au cas par cas ", précise M. Tudor. Début décembre, le ministre des finances, Wayne Swane, a promis des règles plus transparentes en 2010. " Un geste attendu par les Australiens comme par les Chinois ", observe M. Lee.
Marie-Morgane Le Moël
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