La fondue chinoise est devenue le plat national helvétique pour les Fêtes. Conseils pour déjouer ses pièges. Recettes pour la réenchanter. Et trois propositions de stars du bien-vivre pour singulariser son Réveillon.
A Noël ou le 31 décembre, la fondue crée la bonne humeur... On dirait le slogan d'une vieille publicité pour la fondue au fromage. Sauf qu'ici, c'est de fondue chinoise qu'il s'agit. Année après année, les sondages montrent en effet que le mets préféré des Suisses, pour les Fêtes, c'est la viande cuite dans un bouillon. En cette fin 2009, selon l'Institut Link, 20% des Suisses au moins fourbiront leur caquelon.
Vrai qu'elle a plus d'un argument pour séduire les overstressés que nous sommes. La facilité et le peu d'apprêt qu'elle demande, dans sa version minimaliste du moins. Sa convivialité. Le fait qu'elle replace les hôtes autour de la table et non pas reclus dans le huis clos de leur cuisine. Et puis, la fondue chinoise consacre le triomphe des cuisiniers médiocres puisqu'avec l'aide d'un bon boucher et d'un peu d'astuce, elle place la réussite à la portée de tous. A l'heure de touiller et d'entrechoquer collectivement les fourchettes - une idée qui fait frémir les Asiatiques, peu adeptes de tels échanges de fluides - rappel ethno-culinaire avant de plonger dans le vif de la marmite.
Au XIXe siècle, époque où le service dit à la russe, très individualisé, devient la norme de l'élite, manger dans le même plat est considéré comme rustique, voire plébéien. La vaisselle et les couverts sont synonymes de richesse. «Le succès du caquelon est relativement récent, vers le milieu du XXe siècle, note Isabelle Raboud-Schüle, ethnologue et conservatrice du Musée gruérien. Le réchaud de table utilisé pour chauffer une cassolette de bouillon ou d'huile est entré dans les foyers suisses via la fondue au fromage et sous l'influence de diverses campagnes de pub.» Il faut attendre les années 60-70 et la généralisation du congélateur dans les commerces de détail et les ménages, pour que la fondue chinoise commence à se répandre.
Celle-ci cumule, aux yeux de l'ethnologue, nombre d'attraits: «C'est un mets protéiné, signe de fête ici comme ailleurs, signe fort. Elle correspond aux aspirations modernes des familles. Elle est assez diététique, plus légère que les versions bourguignonne, bordelaise ou vigneronne, conforme aux canons actuels: festive mais pas grasse, abondante mais pas trop. Enfin, elle est facile à décliner en terme de goûts et de prix, à personnaliser et même à régionaliser - bressane avec du poulet, etc.»
En Suisse, la fondue chinoise est réduite à sa plus simple expression, notent les connaisseurs de l'univers asiatique: en gros, le mode de cuisson et l'idée du bouillon. «Nommé huoguo (marmite de feu) ou shuanyangrou (marmite mongole), c'est un plat courant dans les différentes régions de Chine, note le sinologue Gérald Béroud. Avec une infinité de variantes. La marmite peut être une bassine ronde divisée en deux, avec un côté pimenté et l'autre non. On y jette une variété infinie d'ingrédients: agneau, légumes, champignons, crevettes, raviolis, tofu, algues, soja, canard, poulet mariné, filets de poisson, cheveux d'ange, avant de les retirer à l'aide d'une louche percée. Les sauces, d'un grand raffinement n'ont rien à voir avec la mayonnaise. Elles jouent sur les contrastes plus subtils de l'acide, l'amer, l'aigre-doux, l'aigre-piquant.
En hiver, les Japonais s'adonnent eux aussi à l'art de la trempette (littéralement, le sens de l'onomatopée shabushabu). De manière générale, on nomme la fondue nippone mizutaki (de mizu: eau et taku: bouillir); elle est multiple, riche en légumes, se prête à toutes les variations. Tokyoïte de Genève, Hikari a ouvert de grands yeux lorsqu'elle a découvert que les Suisses plongeaient tous ensemble leurs fourchettes à même un pot. «Au Japon, l'étiquette veut que chacun soit servi par la maîtresse de maison, qui pêche les ingrédients, avant de les distribuer. Chacun saisit les morceaux avec ses baguettes.»
Préparer le dashi ou dashinomoto (bouillon à base de poisson). Saler, ajouter les feuilles de konbu (une algue séchée), puis les différents ingrédients sans ordonnance précise, au gré des envies. Par exemple: choux chinois, naganegi (poireau), tofu, vermicelles, cabillaud, tranches fines de porc, boeuf, shiitake, shimeji (pleurote), etc. Proposer trois sauces à choix: 1) soja, daikon, gingembre finement râpés, yuzu, negi (ciboulette) 2) ponzu (vinaigre de yuzu) et soja et 3) goma-tare (sauce sésame): soja, negi, sucre, sésame pilé.
Les grands chefs adorent la fondue chinoise pour une raison supplémentaire. «Avant de fermer pour les Fêtes, c'est une manière festive de vider le frigo», note Carlo Crisci. Chaque année, chez les Crisci, la chinoise familiale est donc un peu différente. La constante? Un vrai bon bouillon bien relevé (ou un reste de pot-au-feu). Les variantes? Canard, chevreuil, cabillaud, crevettes, saint-jacques, tous les légumes de saison imaginables, catalonia, cima di rapa et autres nouillettes chinoises.
Edgard Bovier la prépare sur un mode méditerranéen, avec plein de petites sauces raffinées: huile vierge et tomate confite, tapenade, ravigote (herbettes, oignon, câpres, cornichons, oeuf dur en brunoise), aïoli ou anchoïade, aigre-douce ou curry à la mangue.
Enfin, le plus capital: tous les chefs soulignent unanimes l'importance du produit! Rumsteak ou coeur de rumsteak, pièce ronde ou petit coin, si on veut du boeuf, noix pour le veau, aiguillette de canard. Tous ces morceaux nobles s'achètent chez son boucher de famille, rassis comme il se doit. Et, surtout: frais. Si on veut de la mâche et du goût, ça se coupe au couteau, si si, en tranches de 2 à 3?millimètres suffisamment épaisses pour garder la viande saignante (attention aussi à la cuisson, pas trop vive!).
Le congelé, en grande surface particulièrement, est synonyme de deuxième choix, voire de viande reconstituée (des miettes de ragoût collées au sirop de glucose et au sulfate de calcium, le tout pétri longuement, mis en forme, congelé, tranché fin comme du papier bible).
Enfin, la tendance veut qu'on panache les ingrédients avec tout ce que les convives préfèrent. Un caquelon réservé par exemple à des poissons ou des légumes pour les végétariens. Sans oublier des viandes insolites, exotiques comme le kangourou, l'autruche, le crocodile et Cie.
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