L'ONG "Peuples solidaires" lance une campagne de trois ans pour inviter les consommateurs à demander le respect effectif des droits fondamentaux dans les usines de jouets.
Un « nounours » géant, arborant une étiquette « made in China », a arpenté hier les rues de Paris pour attirer l'attention sur les conditions de travail de ses « jeunes mamans ». « Elles ont travaillé durant quinze heures, jour et nuit, pour me fabriquer », a expliqué la nouvelle mascotte de l'ONG Peuples solidaires. Un cargo l'a ensuite amené en France, où un bambin l'a adopté. « Un jour, il a vu mon étiquette et m'a posé des questions sur mes origines et mes mamans de la région chinoise du Guangdong. À son tour, sa mère m'a interrogé. Mécontente, elle est allée demander des explications au magasin... »
D'après un sondage réalisé fin septembre par le CerPhi (1) auprès de 803 personnes, six Français sur dix sont prêts à « s'engager personnellement pour demander des conditions de travail décentes dans l'industrie du jouet » car ils considèrent (à 83 %) qu'il existe « de réels problèmes ». « Nous les invitons à déposer une lettre (téléchargeable sur www.peuples-solidaires.org) dans les magasins de jouets, ainsi qu'à questionner les vendeurs, lesquels interrogeront alors leurs supérieurs, explique Marie-Anne Priout, en charge des campagnes de l'ONG. Notre propos n'est pas d'inciter au boycott du "made in China", mais d'être constructif en créant un lien entre le consommateur et le donneur d'ordre, pour améliorer les conditions de travail en Chine, où sont produits 80 % des jouets vendus dans le monde. »
Or, selon l'enquête de l'association d'universitaires chinois Sacom, ces conditions se sont encore détériorées avec la crise. Dans le rapport, Li Zhuo Ming, vice-président de l'association du jouet du Guangdong, qui concentre 70 % des industries du jouet en Chine, regrette que, « particulièrement en temps de crise, les acheteurs internationaux cherchent à tirer au maximum les prix vers le bas ». Conséquence : des milliers d'usines ont dû fermer, alors que des fabricants ont accepté un bénéfice quasi nul pour « maintenir de bonnes relations avec leurs clients ».
Au bout de la chaîne de production, les ouvriers trinquent. Ceux que Sacom a rencontrés aux abords des usines Tianyu Toys et Wai Shing n'ont pas de contrat de travail, effectuent trois à six heures supplémentaires par jour peu ou pas rémunérées. Ils n'utilisent d'équipements de protection qu'en cas d'audit extérieur. Formés pour répondre aux auditeurs, ils sont punis s'ils répondent mal. Ces deux usines étaient pourtant candidates à l'attribution du « Care Process », certificat décerné par le Conseil international de l'industrie du jouet (Icti) pour conformité à son code de bonne conduite.
Peuples solidaires demande aussi aux grandes enseignes (Mattel, Disney, Toy R' Us, Hasbro, Lego...) de ne pas revenir « en arrière ». « Mattel, qui avait été la première à pratiquer des audits indépendants et inopinés dans ses usines, a cessé de le faire l'an dernier pour s'en remettre au seul "code de bonne conduite" de l'Icti », déplore Fanny Gallois, en charge de ces questions. Un ouvrier chinois de 17 ans, qui travaillait chez Disney depuis deux ans, est par ailleurs mort écrasé par une machine en avril dernier.
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