mardi 29 décembre 2009

MediaTek révolutionne le marché du mobile en Chine - Yann Rousseau

Les Echos, no. 20582 - technologies de l'information / médias, mardi, 29 décembre 2009, p. 17

Surfant sur la puissante mode du « shanzhai », littéralement « bandits de la montagne », un concepteur taïwanais de puces s'impose sur le marché chinois du téléphone portable et fait de l'ombre au géant Qualcomm.

Les paysans chinois s'arrachent le portable Tonnerre à 245 yuans (24 euros). Equipé de 8 haut-parleurs, ce téléphone mobile reste au bord du champ pour ne pas être endommagé mais émet une sonnerie si puissante que les fermiers ne ratent pas un appel. Dans les petits magasins des villes chinoises de province, les commerçants ont, eux, opté pour le portable équipé d'une petite lampe ultraviolette permettant de détecter les faux billets. Dans le centre de Chongqing, ce sont les faux iPhone à 600 yuans (60 euros) ainsi que les « Sumsung » et autres « Nokia », acceptant deux cartes SIM, qui enregistrent une explosion de leurs ventes.

S'inscrivant tous dans la puissante mode du « shanzhai » - littéralement « les bandits de la montagne » -qui pousse la jeunesse du pays à consommer des produits bon marché souvent « inspirés » de grandes marques mais disposant toujours de composantes innovantes, ces nouveaux téléphones mobiles représentent désormais, près du tiers des ventes totales de portables enregistrées en Chine. Et 90 % d'entre eux sont équipés de puces conçues par la même société, le taïwanais MediaTek, dont le nom reste largement inconnu du grand public bien qu'il soit devenu, en termes de revenus, le deuxième plus gros fournisseur mondial de circuits intégrés pour portables, juste derrière Qualcomm.

S'il ne propose lui-même pas de combinés et ne contrôle aucune usine, le groupe, qui s'est lancé en 1997 en concevant des processeurs pour lecteurs de DVD et de CD-ROM, offre aux entreprises chinoises appâtées par l'explosion du marché local du téléphone portable des puces sophistiquées, intégrant toutes les fonctions et applications nécessaires au fonctionnement de leur appareil. N'ayant désormais plus qu'à assembler, autour de la puce, une coque, une petite caméra vidéo et une batterie, des milliers de sociétés sont apparues, ces derniers mois, dans le pays pour proposer à bas coûts leurs propres appareils, notamment dans les provinces les plus pauvres où l'achat de l'un des appareils dernier cri d'Apple, Nokia ou LG nécessiterait l'investissement de plusieurs mois de salaire. Cette année, plus de 3.000 modèles de téléphones différents auraient ainsi été mis en vente sur un marché chinois toujours très fragmenté.

Pari sur les pays émergents

Surfant, selon les mots de son PDG, Tsai Ming-Kai, sur ce phénomène « d'innovation destructrice », MediaTek a enregistré, en glissement annuel, une hausse de ses ventes de 24 % sur les neuf premiers mois de l'année pour atteindre un montant total de 2,66 milliards de dollars, assuré à 70 % par les commandes de puces pour portables. Sur la même période, ses revenus nets ont bondi de 71 %, à 860 millions de dollars. Confronté à un début de saturation du marché chinois et à la poussée de la concurrence de concepteurs chinois, tel que le shanghaien Spreadtrum, MediaTek dit désormais parier sur l'explosion de la demande dans d'autres marchés émergents tels que l'Inde, le Moyen-Orient ou l'Amérique du Sud, où les fabricants chinois exportent déjà des dizaines de millions d'appareils « shanzhai ». « Les marchés émergents continuent de croître et seront toujours un moteur de croissance pour nous en 2010 », explique Mingto Yu, le directeur financier du groupe, qui mise sur la vente de 350 millions de puces pour portables en 2009 et de plus de 400 millions l'an prochain.

Pour échapper à la concurrence des designers chinois, le groupe compte également monter en gamme en multipliant notamment les processeurs de troisième génération. Après avoir réglé un long conflit de propriété intellectuelle sur les brevets de WCDMA avec Qualcomm, le taïwanais a annoncé qu'ils livreraient ses premières puces 3G à ses clients chinois dans les premiers mois de 2010.

YANN ROUSSEAU

© 2009 Les Echos. Tous droits réservés.

Bookmark and Share

0 commentaires: