La Chine n'assume pas son rôle de troisième puissance économique du monde. Elle continue d'agir comme lorsque sa taille était négligeable, profitant de son insertion dans la division internationale du travail, exportant et prospérant en passager clandestin. Désormais le passager clandestin occupe toute la cale, il met le navire en péril.
La façon dont a été éconduit Barack Obama lors de sa visite à Pékin sur la question d'une réévaluation du yuan a signé un refus de responsabilité. Il fut répondu au président américain que le coupable de la crise était les Etats-Unis. Que la Federal Reserve hausse ses taux d'intérêt et que la Maison-Blanche resserre ses déficits budgétaires, le dollar se redressera et le yuan avec.
La façon dont les autorités chinoises ont reçu, quinze jours plus tard, MM. Almunia, Juncker et Trichet, venus le week-end dernier à Nankin demander la même chose sur le yuan y a ajouté du mépris. Wen Jiabao, le Premier ministre chinois, a sèchement refusé toute discussion et il a fait paraître un communiqué agressif expliquant que cette réévaluation ne viserait en fait qu'« à restreindre le développement de l'économie chinoise ». Les trois Européens venus en quémandeurs ont été repoussés comme s'ils étaient encore à bord d'une canonnière. L'Europe voudrait du mal à la Chine.
La nouvelle puissance chinoise accepte, très doucement, de participer à certaines affaires du monde. On l'a vu en Corée du Nord et, très singulièrement, sur l'Iran, les Chinois ayant rejoint les Américains et les Européens, en même temps que les Russes, pour condamner le programme nucléaire secret de Téhéran. La promesse de réduire de 45 % son intensité carbone est, si l'on veut être indulgent, à ranger dans cette catégorie. Encore que la promesse est faible (au total les émissions de CO2 augmenteront d'au moins 50 %) et elle s'accompagne d'une exigence de compensations financières et technologiques que le Nord, là encore « coupable », doit verser au Sud, dont la Chine.
En matière économique, on ne voit aucun progrès. La question du yuan est déterminante car elle signifie que la stratégie chinoise reste l'exportation. Sans doute ne peut-on demander à ce pays, qui détient 2.200 milliards de dollars dans ses caisses, de dévaluer cette richesse en réévaluant brutalement le yuan. Mais il faudra pourtant que Pékin accepte de voir que la demande des Américains et des Européens est légitime. Un pays qui croît de 8 % l'an, comme ce sera la cas cette année, et qui accumule des excédents commerciaux gigantesques doit voir sa monnaie se réévaluer. La réévaluation du yuan rendrait les importations moins onéreuses, c'est-à-dire améliorerait le pouvoir d'achat de la population chinoise.
Le refus monétaire s'accompagne d'un plan de relance axé sur les investissements. La Chine a décidé d'une relance gigantesque de 14 % de son PIB (contre 2 % en France) ; tout le monde la félicite. Elle devient un « moteur » qui se substitue à l'américain, défaillant. Mais, dans le contenu de ce plan, on déplore pourtant une part destinée à augmenter la consommation intérieure encore faible et une part supérieure pour les investissements dans les infrastructures et les capacités de production. Ces nouvelles unités vont encore renforcer les surcapacités existantes tandis que certains salaires privés ont baissé et que la Chine dépense toujours deux fois moins que le Brésil pour soigner ses habitants. La Chine augmente son offre alors que le monde a besoin qu'elle accroisse beaucoup plus vite sa demande.
Au-delà du yuan, la crise semble avoir renforcé les conservateurs, qui refusent l'acclimatation progressive du modèle chinois au modèle occidental. Pour eux, au bout du chemin de l'ouverture économique au marché, il y a le risque d'un changement de modèle politique. La crise financière signe, pour eux, l'échec de l'Ouest, de l'Amérique, de ses règles de droit et du modèle libéral. Pourquoi continuer de l'acclimater ? Pourquoi ne pas renforcer le « modèle chinois » et ses règles ? Pourquoi s'intéresser aux problèmes de l'Ouest ?
La réponse est que l'empire menace aujourd'hui la mondialisation dont elle a été de loin le premier pays bénéficiaire. Son arrivée dans le concert économique des nations a été saluée par l'ensemble des autres pays du monde, malgré les délocalisations subies par d'autres pays pauvres comme le Mexique, par l'Europe de l'Ouest ou la Turquie, malgré les déclassements des salaires moyens dans les pays riches. La Chine ne peut plus prospérer aux seuls dépens des autres.
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