L'ex-colonie portugaise était rétrocédée il y a 10 ans.
Macao est vraiment un endroit fantastique », sourit Zheng Ding, hongkongais fortuné, habitué du Sands, véritable casino-paquebot du centre-ville qu'il connaît par coeur et qui aligne dans un décor rétro des centaines de machines à sous électroniques et autant de tables à jouer. « Je viens ici plusieurs fois par mois pour affaires. C'est une ville unique. »
Macao est une péninsule de 30 km2 rattachée à la Chine depuis exactement 10 ans (1) et plantée à 60 kilomètres à l'ouest de Hong Kong, l'ex-archipel britannique, sur l'autre rive de l'embouchure du Zhu Jiang - la rivière des Perles. « C'est un petit monde mais on croise ici des gens de tous les horizons, qui viennent du Guangdong, de Pékin, de Corée, du Japon... C'est le seul endroit où l'on peut jouer 24h. sur 24 en Asie », poursuit Zheng. En tout, 27 millions de touristes-flambeurs, originaires des quatre coins du continent, viennent chaque année dépenser des sommes colossales au baccarat et au blackjack dans plus de 30 casinos géants qui portent le nom de Babylon, Golden Dragon, Pharaon, etc. Les taxes sur les jeux rapportent annuellement au gouvernement local plus de 4 milliards d'euros (100 fois plus qu'il y a 25 ans !). « Il y a ici une concentration de casinos unique au monde, bien davantage encore qu'à Las Vegas », note sur place la sociologue Emilie Tran, rattachée à l'institut interuniversitaire de Macao. « L'ensemble du tissu économique de la ville est par conséquent étroitement lié à l'industrie des jeux. »
Croisé au fond d'un petit restaurant local, Monsieur Gong, originaire de la région de Canton, explique avoir perdu près de 4.000 euros en une seule nuit. « Je sors à peine des tables de jeux », avoue l'homme aux traits tirés. « Ma femme doit arriver demain. Elle ne sait même pas que j'ai perdu. Il faut absolument que je me refasse avant son arrivée. » En deux coups de baguettes, l'homme engloutit une portion de nouilles sautées et repart s'enfermer pour la journée dans les salles feutrées du Venetian, le plus grand casino au monde, propriété du groupe américain Sands. Là, dans ce gigantesque complexe inauguré en grande pompe il y a deux ans, près de 70.000 joueurs se pressent en moyenne chaque jour devant 3.000 machines à sous et plus de 750 tables de jeux.
En famille, entre amis ou en solo, ils invoquent les dieux de la chance avant de lancer une paire de dés ou de tirer une carte. A certaines tables, l'ambiance est électrique. Des femmes endimanchées dégainent de leurs sacs à main d'épaisses liasses de billets de 1.000 patacas (l'équivalent de 100 euros) qu'elles jettent sur le tapis et que le croupier s'empresse de transformer en jetons. Des hommes, cigarette aux lèvres, jouent sur plusieurs tables à la fois. Chaque minute, d'énormes stocks de jetons finissent entre les mains du banquier. « Il y a aussi beaucoup de gagnants », sourit l'allemand Wolfram Diener, vice-président des centres de conventions et des galeries marchandes - activités qui génèrent plus de 40 % des revenus du casino.
A la caisse en effet, une longue file de joueurs attend de changer ses jetons contre de la vraie monnaie - au choix, patacas, yuans chinois ou dollars de Hong Kong. « Je repars avec 6.000 patacas en plus de ma mise de départ », jubile une petite dame, venue spécialement de Tokyo. « C'est ma première soirée au Venetian. La chance était avec moi on dirait ! »
Mais il arrive aussi que la chance tourne et que certains joueurs amateurs, grisés par l'appât du gain, perdent l'équilibre et commettent ensuite l'irréparable. « Il y a régulièrement des gens qui sautent du pont qui relie la péninsule à l'île de Taipa en face », explique Emilie Tran. « Ils s'aperçoivent qu'ils ont trop perdu ou trop emprunté à des intermédiaires [des Coréens pour la plupart installés sur place et qui prêtent de l'argent à leurs compatriotes de passage à des taux souvent très élevés, NDLR]. Ils préfèrent se suicider plutôt que de revenir chez eux sans un sou. »
Macao, l'enfer des jeux... La faute aux casinos ? A tous ces intermédiaires ? En tout cas, les autorités centrales cherchent à donner un deuxième souffle à la ville, loin des roulettes et des bandits manchots. Lors d'une récente visite sur place, Xi Jinping, l'actuel vice-président de la Chine, s'est ainsi attaqué aux casinos en invitant les édiles locaux à « multiplier les opportunités de développement ». « Il y a trop d'établissements de jeux à Macao, ce qui inquiète Pékin », poursuit la chercheuse française. « On parle des suicides mais il y a aussi des problèmes liés à la corruption, au blanchiment d'argent... Ce n'est pas très bon pour l'image de la ville. C'est pour ça que les autorités centrales aimeraient que le tissu économique évolue ».
Une mutation que la péninsule n'est finalement pas prête d'entamer. En générant plus de 70 % du PIB local, les casinos restent indéniablement les vrais maîtres de Macao.
(1) Ancienne colonie portugaise pendant plus de trois siècles, la péninsule de Macao a été rétrocédée à la Chine le 20 décembre 1999. Depuis, elle bénéficie comme Hong Kong du statut « un pays, deux systèmes » qui lui garantit jusqu'en 2049 une indépendance en matière fiscale et douanière.
© 2009 © Rossel & Cie S.A. - LE SOIR Bruxelles, 2009
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