Onze ans de prison pour le dissident.
La peine est lourde pour Liu Xiaobo, cet intellectuel jugé coupable de « subversion du pouvoir de l'Etat », dont le principal crime est d'avoir participé l'année dernière à la rédaction de la Charte 08, un manifeste qui plaide en faveur d'une Chine démocratique. Le sort de cet ex-universitaire de 53 ans marque le durcissement de Pékin contre les militants des droits de l'homme.
Ancien du printemps démocratique de TianAnmen en 1989 qui n'a jamais cessé de dénoncer le Parti unique, Liu Xiaobo est un symbole pour le pouvoir chinois. La tendance de dix dernières années qui allait vers une réduction des peines pour subversion semble bien révolue. Dans un communiqué, Amnesty International remarque que la condamnation est la plus longue pour ce chef d'accusation depuis 2003. Les Etats-Unis ont réagi immédiatement par la voix du diplomate Gregory May en poste à Pékin qui a lu vendredi un communiqué face au tribunal : « La persécution d'individus pour l'expression pacifique d'idées politiques est incompatible avec les normes des droits de l'homme reconnues internationalement. »
Les avocats de Liu Xiaobo ont déclaré qu'il ferait appel. « Nous avons plaidé non-coupable, rappelle Mo Shaoping, l'un des défenseurs ; son crime est un crime d'opinion. » Or la liberté d'expression est formellement défendue par la Constitution chinoise. Son épouse Liu Xia était présente lors de la lecture du verdict et a pu lui parler quelques minutes après, pour la première fois depuis mars. Elle n'avait pas pu assister au procès mercredi au motif qu'elle était un témoin potentiel. De même, les émissaires des Etats-Unis, de l'Union européenne, de la Grande-Bretagne s'étaient vu interdire l'accès au tribunal comme les journalistes et les quelques courageux partisans de Liu Xiaobo, tous retenus à l'extérieur par les forces de l'ordre.
Puni avant d'être jugé
Washington a de nouveau réclamé la libération de Liu Xiaobo. Puni avant d'être jugé, ce démocrate a été emprisonné un an avant son procès, il a été soutenu pendant toute la durée de sa détention par la communauté internationale. Sans succès. Pékin, conscient de son statut de nouvelle puissance, hausse le ton et a dénoncé une « ingérence grossière » de certains pays étrangers.
Pour Nicholas Bequelin, chercheur à la division Asie de l'organisation Human Rights Watch, il s'agit d'« un message très fort » à destination des pays occidentaux, qui se sont montrés très conciliants en matière de droits de l'homme ces dernières années pour ne pas froisser ce partenaire commercial incontournable. En Chine même, le signal est clair : le Parti communiste ne tolère pas le défi posé par la Charte 08 et laisse craindre une répression accrue contre les opposants, au premier chef contre les signataires de cette pétition. A Hong Kong, îlot libéral en Chine, une cinquantaine de personnes ont manifesté à l'annonce de la condamnation.
Noël n'est décidément pas un jour heureux pour les opposants politiques chinois. Pékin compte sur cette période festive en Occident pour éclipser ses dissidents. En 2007, Hu Jia, l'activiste emprisonné qui a reçu le prix européen Sakharov des droits de l'homme, avait ainsi été arrêté le 27 décembre. Un an plus tôt, l'avocat Gao Zhisheng avait été condamné à trois ans de prison, juste avant Noël.
© 2009 © Rossel & Cie S.A. - LE SOIR Bruxelles, 2009
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire