Le Monde - Culture, samedi, 19 décembre 2009, p. 27
La clameur imprévue - mi-plaisir, mi-frayeur - de 5 600 spectateurs fait un boucan d'enfer. Ce bruit si incroyable, si rare, qui saisit par sa vigueur, s'entend à chaque représentation du spectacle de cirque Li Ya, la fille de l'empereur, interprété par une troupe chinoise de la région du Yunnan, sous le chapiteau du Cirque Phénix, à Paris.
Arrêt sur image : un acrobate saute sur une bascule, se propulse dans l'air comme une fusée pour traverser une structure en métal et finit son vol en s'accrochant par les jambes, la tête en bas, aux hanches de son partenaire. A treize mètres de hauteur, il y a de quoi pousser un cri d'angoisse. Ce moment-là, 100 % pur cirque, fait le sel de cette collection de numéros prodigieux, jamais vus, exotiques en diable.Rien de moins que cinquante artistes en piste, dont la plus jeune, une acrobate-contorsionniste épaisse comme un fil, a 14 ans. Son numéro, un duo avec un homme, intitulé " Pagode des bols ", laisse bouche bée. En équilibre, la main sur le crâne de son partenaire, elle fait glisser des bols empilés de son pied à sa tête pendant que lui roule lentement au sol. Un vertige de précision que le léger tremblé de son corps souligne. Cette tension rend terriblement émouvante la virtuosité féroce de ces exploits, et les années de travail, tout aussi féroces, qui les ont rendus possibles.
La tradition circassienne pékinoise possède une singularité à tomber. Les techniques - celles des cordes à sauter par exemple, ou de la jonglerie avec des tissus, des lassos, aussi - se combinent avec une vision plastique chatoyante. Les costumes, inspirés par les nombreuses ethnies vivant dans le sud de la Chine, d'où est originaire la troupe, explosent en couleurs acidulées et graphismes élégants.Un jardin en fleurs surgit soudain, vibrant comme les bouquets d'assiettes roses agités par les interprètes; une pyramide de tapis de velours rouge tournoie comme une toupie géante; une colonne de fleurs s'arcboute au-dessus de la piste grâce à quatre filles accrochées par la bouche... Sans cesse, la bizarrerie repousse les limites et bouscule le merveilleux.
La vitesse d'exécution de la plupart des tableaux - une quinzaine au total - ne laisse aucun répit. Les percussions le disputent aux mélodies traditionnelles. Pas même le temps d'avaler sa salive devant de dangereux exploits que les artistes sont déjà ailleurs, dans les coulisses en train de se changer.
Li Ya, la fille de l'empereur. CirquePhénix. Pelouse de Reuilly, Paris-12e. Mo Liberté. Jusqu'au 10 janvier 2010.Tél. : 08-25-03-90-40. De 20E à 55E. www.cirquephenix.com. A partir du 15 janvier en tournée dans toute la France.
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