Lorsque, après de longues années de négociations, la Chine est officiellement admise comme membre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), le 17 septembre 2001, l'économie mondiale amorce un rééquilibrage spectaculaire en faveur du géant asiatique. La singulière dynamique commerciale qui se met en place entre " l'atelier du monde " et ses pays clients est un surgénérateur de croissance, qui conduira indirectement à la crise financière globale de 2008. Les atouts de la Chine (excédents courants, taille de ses marchés, compétitivité), ses besoins (énergie et matières premières, débouchés) et ses fragilités (surcapacités industrielles, rigidité politique) font de la deuxième puissance économique mondiale (courant 2010) un acteur incontournable des enjeux planétaires, qu'ils soient géopolitiques ou environnementaux.
En cassant les monopoles d'Etat qui régissaient le commerce avec l'extérieur, en levant les discriminations qui corsetaient les sociétés étrangères vis-à-vis de leurs rivales locales et en introduisant la concurrence dans une grande partie des secteurs autrefois protégés, l'accession à l'OMC a un effet multiplicateur de richesses : grâce à la mise au travail d'un tiers-monde rural dont les salaires sont en deçà des moyennes urbaines, les usines implantées en Chine siphonnent les commandes en provenance des pays riches mais aussi en développement.
Parallèlement, les excédents courants explosent (de 1 % ou 1,5 % du PIB dans les années 1990, à 3,6 % en 2003, puis 11 % en 2007). Une bulle de réserves de change s'est formée : 2 500 milliards de dollars (1 730 milliards d'euros), en incluant les sommes allouées au fonds souverain. Ces surplus colossaux vont nourrir la dette et soutenir la consommation des Américains. Ils permettent aussi à la Chine d'acquérir des actifs hors de son territoire, de nouer des alliances et, ce faisant, d'élargir le périmètre de ses intérêts nationaux, avec des conséquences géo-stratégiques futures.
Le maintien de la non-convertibilité du yuan et de son lien fixe au dollar a préservé la Chine des ajustements qu'aurait dû provoquer son intégration express dans le commerce mondial. Les pays riches profitent de ce pacte : les consommateurs occidentaux voient baisser sans cesse les prix des produits made in China; les entreprises génèrent de nouveaux profits en délocalisant ou en s'approvisionnant à bas coût en Chine; les gouvernants parviennent à donner le change le temps d'un mandat.
Pourtant, des déséquilibres s'accumulent. L'industrie chinoise a, pendant les années 1990, atteint un niveau inquiétant de surcapacité. Les restructurations, mais aussi l'envol des exportations les résorbent en partie. Et en créent de nouvelles : à force de renforcer et de moderniser son appareil productif, la Chine fabrique et exporte plus d'acier, de produits chimiques, de ciment et de machinerie lourde qu'elle et le reste du monde ne peuvent en consommer. " Après 2002, l'industrie lourde chinoise a connu un boom extraordinaire, note une étude détaillée de la Chambre de commerce européenne en Chine sur les surcapacités chinoises. En cinq ans, la taille relative de la production de l'industrie lourde a presque triplé. "
L'économie croule sous les liquidités : les ménages mettent de côté, certes, mais dans une proportion somme toute comparable aux autres pays asiatiques. C'est essentiellement l'épargne brute des entreprises qui gonfle de manière disproportionnée, passant de 15 % du PIB au début de la décennie à 26 % en 2007. Signe d'une trop faible redistribution.
Délocalisations internes
Avec la crise financière mondiale, cette tendance s'aggrave : le gouvernement ordonne aux banques de soutenir la croissance en finançant des projets d'infrastructures. Les surplus d'épargne se dirigent vers ceux-là mêmes qui sont la cause des surcapacités ! Déconnectés des réalités du marché financier, censé sanctionner la chute imminente des profits, les industriels produisent davantage, dans un cycle sans fin qui a créé aujourd'hui une économie de bulle.
Les dix années d'intégration de la Chine dans l'économie mondiale l'ont hissée vers un paroxysme de croissance. Ont-elles fait mûrir le régime ? Donner davantage de pouvoir d'achat aux consommateurs chinois sert les intérêts du Parti communiste au pouvoir, qui craint plus que tout le mécontentement populaire. Comment y parvenir sans perdre l'avantage comparatif de la main-d'oeuvre bon marché chinoise ? Pékin peine à mettre au pas les lobbies extrêmement puissants que sont les bureaucraties provinciales et les sociétés d'Etat (SOE), organiquement liées au pouvoir. A la fin de la décennie, les délocalisations internes d'usines vers les régions intérieures se sont précipitées.
Quant au citoyen chinois, ouvert à toutes les influences et à toutes les expériences, il est sans aucun doute plus avisé, plus revendicatif, et plus conscient de ses droits qu'il ne l'était au début de la décennie. Avec la plus grande liberté d'expression favorisée par Internet (350 millions d'internautes en Chine) et l'ébauche d'une professionnalisation de la presse et de la justice, la société civile a pris son essor. Elle attend le hors-jeu d'un parti unique grisé par l'hypercroissance.
Jeu égal avec le Japon, les Etats-Unis et l'Allemagne En dix ans, le PIB de la République populaire a rattrapé celui du Japon, ses exportations ont été multipliées par six, son excédent commercial par douze. Les investissements directs étrangers sont en moyenne de 30 % plus élevés. L'investissement productif, qui représentait 50 % du PIB en 2009, est responsable de 90 % de la croissance chinoise. © 2010 SA Le Monde. Tous droits réservés.
La Chine est devenue, en 2009, le premier exportateur mondial, devant l'Allemagne, et le premier marché automobile mondial devant celui des Etats-Unis.
1 commentaires:
Joli titre accrocheur en tout cas.
Et puis, finalement y a pas grand chose qu'on apprend.
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