jeudi 7 janvier 2010

TIBET - Le maître qui gênait Pékin - Robert Neville

L'Express, no. 3053 - Monde, jeudi, 7 janvier 2010, p. 44

Au Tibet, le religieux Phurbu Tsering est condamné à la prison. Pourtant cet abbé bouddhiste ne se mêlait pas de politique.

Autant la condamnation par Pékin du dissident Liu Xiaobo à onze ans de prison a provoqué quelques remous hors de Chine, autant celle du Tibétain Phurbu Tsering, annoncée la veille de la Saint-Sylvestre, est passée inaperçue. L'homme est connu, pourtant, mais pas pour des motifs politiques. Au Tibet, le Rinpoche Phurbu Tsering est un tulku, une réincarnation, autrement dit un saint homme. Pour ses amis chinois de Shenzhen, de Shanghai ou de Pékin, c'était un maître en bouddhisme tibétain ou un homme qu'ils venaient visiter pendant leurs vacances. Et pour les habitants de Kardze (Ganzi), ville du Sichuan tibétain où il résidait, il demeure une figure très populaire.

Agé de 53 ans, marié et père de famille, il a bâti un hospice pour personnes âgées démunies, créé des dispensaires, adopté plusieurs orphelins... Il n'hésitait pas à se retrousser les manches pour conduire un camion sur les mauvaises routes du Kham ou participer directement à des travaux. Surtout, il est l'abbé de deux couvents de nonnes bouddhistes. Et c'est ce qui a provoqué l'ire de Pékin.

Au début du mois de mai 2008, les 80 nonnes du couvent de Buronglang se sont révoltées contre les cours d'"éducation patriotique" imposés par le PC chinois afin de contrer l'onde de choc des émeutes antichinoises de Lhassa. Refusant de renier le dalaï-lama, les religieuses sont descendues dans les rues de Kardze pour manifester et réclamer la liberté. Elles ont été arrêtées sans ménagement. L'épouse de Phurbu Tsering raconte que, quatre jours plus tard, des centaines de policiers ont encerclé leur maison, comme s'il s'agissait d'appréhender un dangereux terroriste. Arrêté, il a été jugé en avril dernier. Le verdict vient seulement d'être annoncé : huit années et demie de réclusion pour "détention illégale d'armes" et "détournement de fonds", selon la version officielle des autorités chinoises.

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