Les éditeurs de la nouvelle traduction chinoise des oeuvres d'Hergé tablent sur 3 millions d'exemplaires vendus par an.
Le plus célèbre des journalistes débarque de nouveau en terre chinoise, porté par une traduction entièrement nouvelle. La nouvelle édition de vingt-deux albums des Aventures de Tintin a été lancée ce week-end à Pékin et 830 000 exemplaires ont déjà été mis en place. Les Éditions Casterman et leur partenaire chinois China Children's Presse and Publication Group (CCPPG) ambitionnent 3 millions d'ouvrages vendus chaque année. La sortie du Tintin de Steven Spielberg, prévue pour 2011, devrait renforcer l'engouement pour le mythique reporter.
Après des versions taïwanaises, à partir de 1980, et diverses publications pirates en Chine continentale, la première édition officielle est apparue en 2001. Elle a permis de vendre plus de 2 millions d'albums. Mais elle était imparfaite, voire franchement médiocre selon les titres. La traduction, réalisée par une dizaine de personnes différentes, s'était faite depuis la version anglaise, d'où une double interprétation. Cette fois-ci, l'ensemble de la traduction a été confié à un universitaire et professeur de français, Wang Bingdong, qui a fait un travail remarquable. L'histoire de cet homme érudit et délicieux est en elle-même étonnante. Fan depuis longtemps du « Tintin chinois », San Mao ou « Trois Poils », un personnage assez proche, il n'a découvert réellement Tintin qu'en 2001 à l'âge de 66 ans. « Coordonnant un ouvrage sur la Belgique, je me suis trouvé obligé d'écrire l'article sur Tintin, n'ayant pas trouvé de spécialiste en Chine, confie-t-il, du coup, on m'a remarqué et contacté pour cette nouvelle aventure éditoriale. »
Wang Bingdong a donc laissé de côté la version anglaise où les Dupond-Dupont étaient devenus les Thomson-Thompson, pour repartir du texte originel en français. Trois années de travail, avec de belles suées pour traduire les magnifiques jurons du capitaine Haddock. Non que le chinois soit, comme bien des langues, pauvre en injures, mais il fallait trouver des équivalents les plus fidèles possibles. « Tonnerre de Brest » est devenu « Que le Ciel te châtie et que le tonnerre te frappe ! », « Mille sabords » se traduit par « Que le ciel te maudisse mille fois, dix mille fois ». Il a fallu aussi tropicaliser les onomatopées et autres interjections. « Plouf » devient « putong ». « Tout est un problème d'usage langagier et de connotation socioculturelle, explique Wang Bingdong, et j'ai rétabli certains patronymes et toponymes. » Milou ne s'appelle plus Snowy, pas plus que Moulinsart ne se lit Marlinspike Hall.
« Réel souci de documentation »
Au-delà des deux albums Le Lotus Bleu et Tintin au Tibet, la Chine a profondément marqué Hergé. « Avant Le Lotus Bleu, Hergé travaillait dans l'insouciance et l'improvisation, sans craindre de reprendre les clichés de la littérature populaire, rappelle Louis Delas, directeur général de Casterman. Après, il a changé sa méthode de travail, avec un réel souci de documentation. » Entre-temps, il y a eu la fameuse rencontre avec Tchang Tchong-jen, étudiant chinois à l'Académie des beaux-arts de Bruxelles, qui va lui donner les clés de la vraie Chine. On connaît la suite, Tchang intégré à l'aventure même de Tintin, jusqu'à devenir le seul être à faire pleurer le reporter.
Tintin et son charme suranné ont-ils une chance de séduire une Chine hyperactive et fascinée par tout ce qui est moderne ? « Oui, car Tintin est assez connu des Chinois, même s'il arrive derrière Disney ou les mangas japonais, estime Pierre Justo, le plus grand collectionneur de Tintin en chinois, et ce qui est amusant, c'est qu'une grande majorité de Chinois sont persuadés que Tintin est français... » Ne manquent à cette nouvelle collection chinoise que Tintin et l'Alph-Art et, surtout, pour des raisons évidentes, Tintin au pays des Soviets.
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