En réduisant, en décembre, leur détention d'obligations d'Etat américaines, les Chinois ont alerté les marchés. Certains économistes s'inquiètent de la méfiance de Pékin à l'encontre de la dette américaine.
Les Chinois, très critiques depuis un an à l'encontre de la politique d'endettement de Barack Obama, qui pèse sur la valeur de leurs actifs en dollars, auraient enfin mis leurs menaces à exécution. C'est ce qu'ont conclu, mardi soir, nombre d'observateurs en décortiquant les dernières données du département du Trésor, qui montrent que la Chine a nettement réduit, en décembre dernier, ses détentions d'obligations d'Etat américaines. Selon les statistiques de Washington, les investisseurs chinois auraient réduit de 4,3 % la valeur de leur portefeuille sur le dernier mois de 2009 pour ne plus détenir que 755,4 milliards de dollars de bons du Trésor. Depuis juillet dernier, la Chine a même vendu au total 45,1 milliards de bons du Trésor et ainsi logiquement laissé le Japon retrouver le titre de premier créancier des Etats-Unis qu'il avait détenu jusqu'en septembre 2008 (« Les Echos » du 17 février). Les données américaines montrent qu'en décembre dernier, les prêteurs japonais, publics et privés, possédaient 768,8 milliards de dollars de bons du Trésor, soit 1,5 % de plus qu'en novembre.
Capacité de nuisance
Commentant ces variations, plusieurs économistes ont cru déceler le début d'une tendance de fond qui pourrait peser dangereusement sur la stratégie de reprise dessinée par le gouvernement américain. « Si des ventes de cette ampleur se confirment, cela suggérerait que la Chine intensifie, plus qu'auparavant, la diversification de ses placements », a expliqué à l'agence Bloomberg Win Tin, un stratégiste de Brown Brothers Harriman and Co. Pour les analystes les plus catastrophistes, les autorités chinoises auraient profité d'une dégradation de leurs relations politiques avec Washington (voir ci-dessus) pour confirmer leur méfiance à l'égard de la dette américaine et faire sentir leur capacité de nuisance à l'administration Obama, qui ose les défier sur les dossiers taïwanais et tibétain. En boudant les bons du Trésor américains, Pékin voudrait contraindre Washington à proposer des rendements plus avantageux et à s'atteler à une réduction plus drastique de ses déficits afin de rassurer les investisseurs.
Simple rééquilibrage
Beaucoup moins bouleversés par la publication des données du Trésor américain, la plupart des experts affirmaient hier que les statistiques de décembre témoignaient plutôt d'une simple tentative de correction et non d'une stratégie machiavélique du régime communiste. Pékin, qui a vu son portefeuille de dette américaine bondir de 405 milliards de dollars, en juin 2007, à 801 milliards en mai dernier, chercherait à rééquilibrer naturellement son portefeuille, comme le font d'autres pays. Hong Kong, qui est un territoire rattaché à la Chine, a ainsi dopé de plus de 40 milliards de dollars ses placements en dette d'Etat américaine entre juillet et décembre 2009.
Les économistes rappellent que tant que la Chine liera la valeur de son yuan au billet vert et bénéficiera d'un important surplus commercial avec les Etats-Unis, elle sera, malgré ses bravades, condamnée à poursuivre ses achats de bons du Trésor américain.
Yann Rousseau
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