LE FIGARO. - Arcelor Mittal échappe de peu à la première perte de son histoire. Êtes-vous satisfait de cette performance?
Lakshmi MITTAL. - Non, même si, compte tenu des circonstances, nous nous en sommes très bien sortis. Nous avons atteint tous nos objectifs de baisse des coûts, de réduction de la dette, d'adaptation de notre production, et avons négocié avec les différents syndicats dans le monde... alors que 2009 a été une des années les plus difficiles depuis trente ans pour le monde capitaliste. La crise n'est pas finie. La reprise sera lente et progressive. Mais nous sommes parvenus à sortir de la crise avec succès.
L'utilisation de vos capacités de production est passée de 50 %, fin 2008, à 70 %. Qu'anticipez-vous pour cette année?
Notre planning de production repose sur la demande de nos clients. En 2009, seuls 10 de nos 25 hauts-fourneaux étaient en production. Désormais, une vingtaine sont en activité. Il en reste quatre ou cinq qui sont temporairement arrêtés et redémarreront quand la demande repartira. À la fin de 2010, nos usines devraient fonctionner à 85 % de leurs capacités. Le marché automobile devrait légèrement s'améliorer par rapport au quatrième trimestre 2009 en Europe et croître fortement dans les pays émergents. Nous organisons des journées de l'innovation avec nos grands clients. Nous leur présentons nos nouveaux produits, nos programmes de développement. Ils sont toujours en attente de meilleurs produits, d'aciers à la fois plus résistants et plus légers, et de plus de services.
Comment comptez-vous réaliser les 5 milliards de réduction de coûts annoncés d'ici à 2012?
Ce total de 5 milliards comprend les économies déjà réalisées (2,7 milliards, NDLR). Nous avons mis en place de nombreuses mesures pour améliorer notre productivité. ArcelorMittal est une compagnie tellement grande, nous pouvons faire un « benchmark » dans le groupe! Nous avons mis en place un plan d'amélioration continue dont l'objectif est d'économiser 30 dollars (ou 20 euros) par tonne d'acier produite. Il y a eu une centaine d'initiatives dans ce domaine. En 2009, nous sommes parvenus à économiser 13 euros par tonne. Il nous reste encore 7 euros à gagner. À l'échelle du groupe, cela représentera une économie supplémentaire de 1,4 milliard d'euros. Et nous pouvons encore réduire nos coûts administratifs et nos dépenses. Cela passera notamment par une spécialisation des sites de production qui pourront être consacrés à un seul type de produit. Ce qui ne signifie pas que nous en fermerons...
... Ou que vous continuerez à réduire vos effectifs?
Le groupe compte 35 000 employés de moins en 2009 qu'en 2008. Nous avons mis en place des plans de départ en préretraite, des plans de départs volontaires... Nous n'avons rien prévu de tel cette année. Il nous faut juste achever ce qui a été commencé. Il n'y a pas de surcapacités de production en Europe. En Chine, oui.
Vous avez aussi évoqué la reprise des investissements.
Oui. Nous allons relancer des projets miniers et des investissements dans les pays en développement, notamment au Brésil. Nous ne prévoyons pas de réaliser de nouvelles acquisitions dans l'acier. Le coût serait supérieur à celui de l'extension de capacités existantes. Nous préférons nous concentrer sur cette dernière solution.
La mise en place de la taxe carbone est-elle une menace pour vos activités en France?
Nous serons moins compétitifs en Europe. Nous sommes en discussion avec le gouvernement français, pour lui expliquer l'impact de cette taxe sur nos coûts. J'ai rencontré le président Nicolas Sarkozy il y a quelques semaines. Il m'a dit vouloir une industrie forte en France. Nous allons devoir trouver des solutions. La politique européenne en termes de CO2 est déjà un fardeau pour la sidérurgie européenne, par rapport à nos concurrents chinois ou indiens. Cela représente clairement un coût supplémentaire, difficile à chiffrer mais bien réel. Au final, la taxe carbone pourrait être contradictoire avec une industrie forte. Mais les deux vont devoir coexister.
La production chinoise d'acier qui repart à la hausse est-elle une menace pour votre industrie?
L'année dernière, les exportations nettes d'acier chinois se sont élevées à 10 millions de tonnes. Cette année, elles ne devraient pas dépasser 25 millions de tonnes. D'abord parce que la demande chinoise interne est repartie à la hausse. Ensuite, parce que la production chinoise d'acier repose sur des importations de matières premières, ce qui la rend moins compétitive à l'exportation. Enfin, la Chine exporte majoritairement en Asie du Sud-Est. Néanmoins, nous sommes toujours attentifs. Si la Chine exporte, cela peut tirer les prix européens à la baisse, c'est déjà arrivé, avant 2008. Il y a toujours un risque.
PROPOS RECUEILLIS PAR Elsa Bembaron
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