jeudi 11 février 2010

La Chine doit aller jusqu'au bout de sa logique capitaliste - Wei Gu

Le Monde - Economie, jeudi, 11 février 2010, p. 14

A la grande époque de l'économie planifiée, les dirigeants chinois avaient toute autorité pour ordonner aux patrons d'usine de pousser ou au contraire de geler les investissements. Ce temps est révolu. Les injonctions que Pékin a lancées pour que l'on cesse de créer des usines dans des filières déjà en surcapacité ont été ignorées. La solution serait peut-être d'exposer davantage aux lois du marché des chefs d'entreprise quelque peu impétueux.

En 2009, l'investissement des entreprises a contribué deux fois plus que la consommation des ménages à la croissance du produit intérieur brut (PIB). Une expansion aussi forte semble excessive, même s'il est vrai que des aides publiques sont venues soutenir la demande en automobiles et en ciment. Crédit suisse estime que la surcapacité de l'industrie automobile aura doublé d'ici deux ans, en retenant pour hypothèse que les ventes augmenteront de 11 % par an.

En Chine, surcapacité ne rime pas nécessairement avec érosion des profits. Les entreprises chinoises qui oeuvrent dans les secteurs du ciment, de l'acier et des métaux non ferreux affichent toutes des taux de rentabilité financière plus élevés que la moyenne de l'ensemble du secteur industriel à l'échelle mondiale. Citons par exemple China Resources Cement et Baoshan Steel, dont les rentabilités ont atteint respectivement 17 % et 7 % en 2008 et largement surpassé celles de leurs homologues étrangers. La performance des entreprises chinoises tient au fait que leurs prix de revient sont artificiellement comprimés. L'énergie et le crédit leur sont fournis à des conditions bien plus favorables que sur le marché mondial. La faiblesse du yuan joue aussi, même si le mécanisme de fixation arbitraire des tarifs par l'Etat est l'élément décisif. Les prix de l'essence, de l'eau et de l'électricité qui sont facturés aux entreprises valent entre un tiers et la moitié des prix moyens mondiaux. C'est une façon de procéder assez courante dans les pays en voie de développement, mais il faut souligner que les tarifs fixés par la Chine sont particulièrement bas, comme le montrent les travaux d'UBS sur le sujet.

Fonction régulatrice des prix

La méthode la plus simple pour calmer la frénésie d'investissements, c'est de le rendre moins rentable en laissant les coûts de production augmenter. Certaines mesures ont déjà été prises dans ce sens : cette année, les taxes applicables aux importations de fuel ont été triplées. Mais il faut aller plus loin. Le prix de l'électricité reste notamment trop faible.

Les industriels seront peut-être tentés de répercuter la hausse des prix de revient sur leurs clients, ce qui alimenterait l'inflation. Mais le pari vaut la peine d'être pris. Si la Chine ne laisse pas les prix exercer leur fonction régulatrice, son économie pourrait avoir à supporter pendant plusieurs années des unités de production superflues.

Wei Gu

(Traduction de Christine Lahuec) Plus de commentaires sur l'actualité économique et financière. Sur Breakingviews.com

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