Il n'y a pas grand monde qui puisse se vanter d'avoir contraint la Chine à mettre les pouces. Le président américain Barack Obama, le président français Nicolas Sarkozy et le géant de l'Internet Google en rêvent. BHP Billiton, le numéro un mondial des mines, y est parvenu.
Selon des nouvelles en provenance de Pékin via UBS, vendredi 12 février, les cinq principaux sidérurgistes chinois seraient tombés d'accord avec l'anglo-australien pour augmenter de 40 % le prix de vente contractuel de la tonne de minerai de fer rendu dans un port chinois, alors qu'ils voulaient limiter cette hausse à 20 % maximum. Le prix du fer - valable pour une année - passerait de 62 dollars en moyenne en 2009 à 84 dollars la tonne en 2010. Pas loin du record de 2008, à 90 dollars.
Condamnées à s'entendre
Deuxième échec au roi donc, car, déjà au printemps 2009, Pékin voulait profiter de la récession mondiale pour imposer aux mineurs une baisse de leur prix de 45 %. Ce fut 33 %. " Le sous-jacent, c'est que la production d'acier en Chine a explosé, explique Olivier Eugène, analyste chez AXA Investment Managers. Elle représente près de la moitié de la production mondiale. Les Chinois ont un besoin vital du fer australien et brésilien, car leur minerai est en baisse quantitative et qualitative. " " Ils ne peuvent pas compter sur l'Inde, qui a frappé son minerai d'une taxe à l'exportation pour le réserver à la production nationale d'acier, poursuit-il. Le trio formé des anglo-australiens BHP Billiton et Rio Tinto et du brésilien Vale est en position de force. "
Les autorités chinoises ont eu beau mettre en prison, depuis juillet 2009, quatre salariés chinois de Rio Tinto, inculpés officiellement, mercredi 10 février, pour " avoir sollicité ou accepté à plusieurs reprises des pots-de-vin " et pour avoir cherché à obtenir des secrets commerciaux sur leurs clients chinois. Les quatre embastillés paient l'humiliation de Pékin après l'échec du rapprochement entre Rio Tinto et le chinois Baosteel, refusé par Canberra. Les mineurs australiens n'ont pas reculé d'un pouce pour autant.
Leur argumentaire était imparable. " Si trouvez excessive notre demande d'augmentation, répliquaient-ils aux cris d'orfraie de leurs interlocuteurs de la China Iron & Steel Association (CISA), fournissez-vous sur le marché au comptant, le " spot " : son prix oscille autour de 125-130 dollars. Chiche ? " Il était de 124,5 dollars, le 9 février. Presque 50 % de plus que ce que refusaient les Chinois.
Pourtant les deux parties sont condamnées à s'entendre. Le triumvirat des mineurs a investi des dizaines de milliards de dollars pour répondre à la voracité chinoise et ne peut s'aliéner Pékin. Quant aux Chinois, ils savent que la fusion des activités dans le fer de BHP Billiton et de Rio Tinto (10 milliards de dollars d'économies) les rendra encore plus incontournables. La Chine est enferrée et les mineurs aussi.
Alain Faujas
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