lundi 1 février 2010

La Chine sera la clé du marché mondial des matières premières en 2010 - Alain Faujas

Le Monde - Economie, samedi, 30 janvier 2010, p. 14

Selon l'économiste Philippe Chalmin, les prix devraient plafonner cette année.

Notre petit-déjeuner n'a pas coûté aussi cher depuis trente ans », a constaté Philippe Chalmin, responsable du groupe Cyclope, spécialiste des matières premières, en présentant, jeudi 28 janvier, ses prévisions d'évolution des cours pour l'année 2010.

« Le thé [33 % sur un an] et le café [21 %] ont été affectés par les caprices de la météo, le chocolat [23 %] par la conjoncture ivoirienne, le jus d'orange [80 % environ] par les gelées en Floride, le sucre [128 %] par la sécheresse en Inde et la tonne de beurre a pris 1 000 dollars en quelques mois », a-t-il rappelé. Il n'y a que le blé de la tartine matinale qui ait chuté de 11 % en un an !

Paradoxalement, ce fort renchérissement survenu en 2009 et qui a surpris tous les experts - y compris ceux de Cyclope - par sa rapidité semble à Philippe Chalmin un gage de relative sagesse en 2010. « A peu près tous les marchés de matières premières sont revenus à des niveaux élevés qui ne seront pas dépassés, juge-t-il. Dans nombre de marchés, la baisse sera même à l'ordre du jour. »

Ce qui ne l'empêche pas de prévoir une poursuite des hausses moyennes en raison des prix très bas du début de l'année 2009. Le zinc (41 %), le thé (41 %), le charbon vapeur (40 %) et le caoutchouc (35 %) caracoleront en tête, cette année. Le soja est annoncé à la baisse (- 11 %) et le fret sec poursuivra son naufrage en raison des énormes surcapacités en bateaux (-22 % après -59 % en 2009).

Les experts de Cyclope ne voient pas de rebond important dans le domaine des produits agricoles, sauf pour le maïs tiré par le programme américain de développement de la consommation d'éthanol, pour le thé et le cacao. Les stocks de blé sont au plus haut. La récolte de soja a été excellente en Amérique du Sud. Le marché du coton devrait redevenir excédentaire. La reprise devrait soutenir les prix des métaux non ferreux et l'année 2010 pourrait voir les platinoïdes prendre nettement l'ascendant sur l'or.

Cyclope ne prévoit aucun risque de pénurie énergétique : les réservoirs sont pleins; la pression à la baisse du prix du gaz naturel se poursuit. Toutefois, le retour à la croissance pourrait valoir une hausse de 21 % en moyenne au baril de pétrole. Car la croissance est revenue, « avec l'apparence d'une extrême vivacité », mais Philippe Chalmin ne croit à la vigueur de la reprise ni aux Etats-Unis ni en Europe. Seule la Chine et ses 10 % de croissance annoncés lui semblent capables d'influer sur les évolutions des prix des produits de base. Et encore jusqu'à la fermeture des portes de l'Exposition universelle de Shanghaï qui pourrait marquer, à l'automne, une nette décélération du rythme forcené imprimé par Pékin. « L'impact de la relance chinoise s'est fait sentir au travers d'une forte croissance des importations, qu'il s'agisse du pétrole ou du charbon, de métaux non ferreux ou de coton, de soja ou de vieux papiers. Plus que jamais la Chine est la clé des marchés de matières premières », affirme Philippe Chalmin.

Volatilité « extrême »

Selon lui, la hausse des prix mondiaux de ces dernières semaines est due à un raffermissement inattendu du billet vert. En effet, la spéculation est l'autre déterminant des marchés. On estime qu'en 2009 60 milliards de dollars (43 milliards d'euros) supplémentaires sont venus s'investir sur les marchés au travers de fonds travaillant sur des indices. Cette manne a contribué à l'euphorie sur les marchés qui a marqué les dernières semaines de 2009 et le début de 2010.

A rebours de cet enthousiasme, Philippe Chalmin s'attend, en 2010, à une volatilité des cours « extrême », à l'image de ce qui se passe sur les marchés financiers d'autant que, dans nombre de secteurs, les surcapacités sont évidentes (pâte à papier, ferrailles, acier, aluminium, cuivre, nickel, fret maritime).

« Les marchés ont « acheté » la reprise bien avant que celle-ci soit une réalité, conclut Philippe Chalmin. Ils se trouvent dans une position inconfortable de dépendance vis-à-vis d'un débouché chinois beaucoup plus aléatoire qu'on ne le pense à l'horizon 2011. » La prudence reste donc de mise.

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