Michel Guerrin
Frédéric Mitterrand a demandé que l'oeuvre, qui épingle un slogan de Nicolas Sarkozy, ne soit plus censurée par l'école parisienne.
Les quatre bannières de l'artiste chinoise Ko Siu Lan, détournant le slogan du candidat Nicolas Sarkozy à la présidentielle de 2007, « Travailler plus pour gagner plus », dans un premier temps installées sur la façade de l'Ecole des beaux-arts de Paris, dans le cadre d'une exposition, puis démontées par l'école, ont été raccrochées, samedi 13 février, sur ordre du ministre de la culture, Frédéric Mitterrand.
Les quatre bannières, chacune comportant un mot - « travailler », « moins », « gagner » et « plus » -, avaient été retirées, mercredi 10 février, par la direction de l'école, au motif que l'oeuvre allait à l'encontre de la « neutralité » du service public. Selon l'endroit où il se trouve, sur le quai Malaquais, le passant peut lire « gagner plus » ou « travailler moins ». Frédéric Mitterrand a annoncé qu' « après avoir pris connaissance de l'incident », il avait demandé que l'oeuvre soit réinstallée « dans les délais les plus brefs ». L'Ecole est sous la tutelle de son ministère.
Ko Siu Lan, 32 ans, qui menaçait de déposer un recours en justice contre cette « censure », a salué la « victoire de la vérité et de la liberté d'expression ». Elle a confié à l'AFP que M. Mitterrand l'a appelée pour lui dire qu'il était « désolé de cette histoire idiote ». Cette oeuvre fait partie d'une exposition collective à voir jusqu'au 21 février.
Reste à savoir pourquoi l'expérimenté directeur de l'Ecole des beaux-arts de Paris, Henri-Claude Cousseau, 64 ans, conservateur général du patrimoine, en poste aux Beaux-Arts depuis 2000, a censuré une oeuvre aussi anodine alors qu'aucune tutelle ne lui demandait rien. Comme souvent, les projecteurs se sont focalisés sur une oeuvre qui serait passée grandement inaperçue, d'autant que Ko Siu Lan, née en Chine, pays en pointe en matière de censure, a très bien su médiatiser son combat en alertant par courriels la planète artistique.
Dans le passé, au Musée de l'abbaye Sainte-Croix des Sables-d'Olonne (Vendée), de 1976 à 1982, puis au Musée des beaux-arts de Nantes, de 1985 à 1994, Henri-Claude Cousseau a été un bon directeur. Il a monté des expositions de qualité sur les débuts de la modernité et sur les artistes Joan Mitchell ou Pierre Soulages.
Sans doute M. Cousseau, qui n'a pas répondu à notre demande d'entretien, reste-t-il marqué par une affaire qui remonte à 2000, alors qu'il dirigeait le CAPC-Musée d'art contemporain de Bordeaux. Son établissement présentait alors l'exposition « Présumés innocents », qui traitait de la représentation de l'enfant dans l'art actuel. Jugeant certaines oeuvres choquantes, une association avait saisi la justice. En 2006, M. Cousseau, ainsi que les deux organisatrices de l'exposition, Marie-Laure Bernadac et Stéphanie Moisdon, étaient mis en examen. En juin 2009, tous trois furent renvoyés devant le tribunal correctionnel de Bordeaux - contre l'avis du procureur de la République, qui sollicitait un non-lieu. L'affaire est dans l'attente de jugement. Défendu à Bordeaux par le monde artistique, au nom de la liberté de création, M. Cousseau est devenu, à Paris, le censeur. Une position aussi paradoxale qu'intenable.
© 2010 SA Le Monde. Tous droits réservés.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire