A l'instar de l'Union européenne, Pékin réclame un poste d'observateur permanent au sein du Conseil arctique.
La Chine souhaite de plus en plus prendre sa place dans le cercle très exclusif des pays arctiques. Une nouvelle preuve, s'il en fallait, de l'intérêt croissant suscité par cette région du monde qui recèlerait près d'un quart des ressources non prouvées en hydrocarbures, que la fonte de la banquise rendra de plus en plus accessible. Après la Chinafrique, la Chinarctique ? La présence inédite d'un officiel chinois à la conférence « Arctic Frontiers », quatrième du genre, qui s'est tenue fin janvier à Tromsø, ville universitaire norvégienne au-delà du cercle polaire, a été en tout cas interprétée par les comme la volonté de Pékin de peser dans la région.
La Chine a déjà conduit trois expéditions scientifiques depuis 1999 et en réalisera une quatrième en 2010. Selon certains, cette présence sert aussi à rassembler des données scientifiques utiles aux Chinois pour consolider leur position lors des négociations climatiques mondiales en cours et à venir. « Pour la Chine, les deux questions les plus importantes sont le changement climatique et les futures voies de navigations qui passeront par l'océan Artique, a expliqué au Monde Tang Guoquiang, ambassadeur de Chine en Norvège, après s'être adressé à l'ensemble des participants à la conférence. « Pour les pays non arctiques comme la Chine, ce sont aussi les deux sujets qui justifient que nous ayons notre mot à dire », a-t-il précisé.
« Le discours de l'ambassadeur Tang Guoquiang aurait pu être prononcé par n'importe quel dirigeant occidental », a écrit le lendemain Asbjørn Jaklin, éditorialiste d'un quotidien norvégien, relevant que le diplomate avait parlé changement climatique, développement durable, recherche polaire et coopération internationale. Pour Oral Young, chercheur américain spécialiste des pôles, « il ne fait aucun doute que les Chinois sont avant tout intéressés par les ressources ».
Depuis 2007, la Chine est une observatrice informelle des réunions du Conseil arctique, une organisation intergouvernementale basée à Tromsø, qui rassemble les huit pays arctiques, dont les cinq plus importants sont ceux riverains de l'Océan arctique, c'est-à-dire la Russie, le Canada, le Danemark (via le Groënland), les Etats-Unis et la Norvège.
« La Chine reconnaît la souveraineté de ces cinq pays et c'est un point essentiel », a noté Hans Corell, un ancien conseiller juridique des Nations unies. Elément tout aussi important : la Chine ne réclame pas de traité spécifique pour la région, se rangeant à l'avis des pays arctiques qui estiment que l'actuelle convention internationale sur le droit de la mer signée à Montego Bay (Jamaïque) en 1982, est tout à fait adaptée. « Cette convention n'est pas suffisante, réplique Greenpeace, car elle ne prévoit aucune protection s'agissant des activités industrielles qui sont aujourd'hui en train d'être planifiées. »
La Chine réclame toutefois, à l'instar de l'Union européenne (UE), un poste d'observateur permanent au Conseil arctique tel qu'en disposent déjà six pays dont la France. Officiellement, les pays arctiques sont largement ouverts à la coopération internationale. « Nous voulons accueillir les pays qui le souhaitent comme observateurs afin qu'ils ne sentent pas le besoin de créer une autre structure », a indiqué Erik Lahnstein, secrétaire d'Etat au ministère norvégien des affaires étrangères, chargé du Grand Nord. En réalité, les portes restent fermées pour l'instant. « Les cinq pays riverains tentent de maintenir les autres à distance », confie Mads Christensen, directeur de Greenpeace dans les pays nordiques.
Plus pragmatique
De fait, les cinq grands de l'Arctique font traîner, répétant tous qu'il n'y a en rien besoin d'un traité arctique, pourtant réclamé en 2008 par le Parlement européen ou par des organisations écologistes comme Greenpeace ou le WWF. L'objectif des députés européens est de protéger la région, menacée par le trafic maritime et l'intérêt accru pour ses réserves potentielles de gaz et de pétrole. Mais un traité international augmenterait l'ingérence des autres pays dans la gestion des affaires de la zone, ce que ne souhaitent pas les membres du Conseil arctique.
En déclarant un tel traité non nécessaire, la Chine adopte une approche plus pragmatique. Pékin reste, en revanche, plus évasif sur la protection des populations autochtones. Contrairement à l'Union européenne, en conflit ouvert avec ces dernières après avoir interdit en 2009 l'importation des produits dérivés du phoque, les privant d'une source de revenus importante.
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