vendredi 5 mars 2010

Après avoir sauvé sa croissance, la Chine promet plus de justice sociale - Y. Rousseau

Les Echos, no. 20629 - International, vendredi, 5 mars 2010, p. 9

A l'occasion de l'ouverture, ce matin, de la session plénière annuelle du Parlement, le Premier ministre chinois va promettre de lutter contre les inégalités sociales et exclure tout repli brutal des politiques de relance mises en place l'an dernier.

Non élus, sans pouvoir et souvent choisis pour leur « fidélité » au Parti, les 2.987 délégués de l'Assemblée nationale populaire chinoise (ANP), qui ouvre ce matin sa session plénière annuelle, vont pendant une dizaine de jours approuver, dans le silence, à la quasi-unanimité les textes de lois, les objectifs économiques et les grands axes politiques définis par les plus hauts cadres du régime communiste. Si leur avis ne pèse que peu sur les destinées du pays, ils font tout de même régulièrement remonter à Pékin certaines des inquiétudes de la « Chine d'en bas ». Après avoir massivement soutenu l'an dernier la stratégie de soutien total à la croissance, ils vont cette année conseiller au pouvoir de ranimer les politiques sociales pour contenter une population qui dénonce de plus en plus ouvertement, malgré les spectaculaires performances du produit intérieur brut (PIB), la poussée des écarts de revenus, l'envolée des prix de l'immobilier et l'indécente corruption des autorités locales.

Obnubilé l'an dernier par la hausse du PIB, qui doit selon Pékin absolument être maintenue au-dessus de 8 %, le gouvernement a activé une généreuse politique de soutien aux entreprises publiques et préféré fermé les yeux sur les baisses de salaire minimum dans les sociétés effrayées par la baisse d'activité ainsi que sur les infractions à la loi sur le contrat de travail censée protéger les employés. Exclus de la couverture sociale proposée aux citoyens des grandes villes, les ouvriers migrants licenciés par dizaines de millions au début de l'année ont souvent dû organiser seuls leur survie pendant la crise. Si aucune protestation politique n'a troublé le pouvoir, un sentiment diffus d'injustice a parcouru la tranche la plus défavorisée de la population.

Dès lundi, Jia Qinglin, le numéro quatre du régime, et président de la Conférence consultative politique du peuple chinois, a plaidé pour une meilleure prise en compte « de ces inégalités sociales qui affectent la stabilité » du pays. L'an dernier, l'écart de revenu entre les campagnes et les villes a atteint, selon le Bureau national des statistiques, son plus haut niveau des 32 dernières années. En 2009, un habitant de la ville a gagné en moyenne 17.175 yuans (1.838 euros) quand un citoyen résidant en zone rurale ne touchait en moyenne que 5.153 yuans (550 euros).

PHOTO - A military band member stands ahead of the opening ceremony of the National People's Congress (NPC) at the Great Hall of the People in Beijing March 5, 2010. China's parliament, the National People's Congress, opened its annual session on Friday, with Wen giving his work report and spelling out broad policy goals for 2010.

Flambée des prix de l'immobilier

Conscient de ce mal être qui entame la légitimité du Parti, le Premier ministre Wen Jiabao s'est également adressé, dès le week-end dernier, aux classes moyennes qui souffrent, elles, de la récente flambée du prix des appartements. « Je comprends le mécontentement », a déclaré le responsable avant de promettre de dompter « le cheval sauvage » de l'immobilier et de soutenir les projets de construction d'HLM.

Ce matin, dans son grand discours devant l'Assemblée, le chef du gouvernement devrait plaider pour plus de solidarité et ranimer le concept d'« harmonie sociale » théorisé par le président Hu Jintao, qui est aussi le leader du Parti communiste. Mais comme il le fait depuis plusieurs mois, il devrait rappeler que ces politiques sociales nécessitent une croissance soutenue et donc une poursuite des efforts de relance mis en branle l'an dernier. Si Pékin semble effectivement réfléchir à un repli progressif de son plan de soutien à l'activité, il refuse pour l'instant de décréter un resserrement monétaire, d'envisager un repli massif de la dépense publique ou d'orchestrer une appréciation du yuan. Pour l'instant, le pouvoir s'est simplement contenté d'appeler les banques commerciales à la modération. Après avoir débloqué, l'an dernier, 9.600 milliards de yuans de crédits pour financer les investissements des groupes d'Etat et les grands travaux des collectivités locales, elles devraient, selon les consignes officielles, prêter encore 7.500 milliards de yuans en 2010 pour assurer une croissance supérieure à 8 %.

YANN ROUSSEAU

© 2010 Les Echos. Tous droits réservés.

Bookmark and Share

0 commentaires: