jeudi 4 mars 2010

Les Chinois veulent garder leurs terres rares - Elsa Bembaron

Le Figaro, no. 20400
Le Figaro Économie, jeudi, 4 mars 2010, p. 23


Entreprises
La production de pots catalytiques et d'ampoules basse consommation est sous tension.

La Chine peut-elle priver le reste du monde de pots catalytiques, de lampes à basse consommation...? Ou plus précisément, de terres rares, ces métaux indispensables à leur production? La Chine, qui produit environ 95 % des terres rares utilisées dans le monde, a mis en place fin 2009 une nouvelle politique de quotas à l'exportation. Conscient depuis plusieurs années de la menace qui pèse sur ce marché, le groupe de chimie Rhodia, leader mondial de la formulation à base de terres rares, vient de signer un partenariat de dix ans avec Lynas, un groupe minier australien propriétaire d'un des plus riches gisements de terres rares au monde.

« La Chine cherche à »protéger ses ressources naturelles*. Plus sa politique est restrictive, plus il devient intéressant de développer des projets hors de Chine », analyse, Emmanuel Butstraen, directeur général de Rhodia Silcea. À terme, Pékin veut imposer une utilisation locale de ses terres rares : il faudra produire sur place et exporter les produits finis.

La situation est très préoccupante en raison de la mainmise des Chinois sur ces métaux. Dès le début des années 1990, Deng Xiaoping avait proclamé que « les terres rares sont à la Chine ce que le pétrole est au Moyen-Orient ».

Production en Australie

La montée en puissance de la production chinoise était assise sur une politique de prix très agressive. Le prix du néodyme était compris entre 30 et 35 dollars le kilo début 2000. En 2002, il a chuté à 5 dollars. Avec la flambée du prix des matières premières et la hausse de la demande, le prix est remonté en 2007 à 35 dollars. Désormais, le néodyme se négocie environ 30 dollars le kilo. Cette situation a conduit les autres grands acteurs du marché à cesser leur production. Rhône-Poulenc (devenu depuis Rhodia) avait fermé ses mines australiennes dans les années 1990 et sud-africaines. Les américains avaient fait de même.

Le marché mondial des terres rares est désormais évalué à 120 000 tonnes par an. Mais il est en pleine croissance, soutenu par le développement de produits qui en emploient, comme les lampes à basse consommation. « Un tiers de la consommation de terres rares se fait hors de Chine, il est donc fondamental de pouvoir s'approvisionner à l'extérieur », ajoute Emmanuel Butstraen. Rhodia, qui dispose de deux sites en Chine, devrait s'appuyer sur sa production australienne dès cette année. « Nous sommes la première entreprise mondiale à relancer une production hors de Chine », ajoute Emmanuel Butstraen.

Et sans doute pas la dernière. Aux États-Unis, la mine de Molycorp, arrêtée depuis 2002, devrait être remise en activité en 2012. Au Brésil, les prospections se multiplient sans avoir encore abouti. L'Europe cherche, elle, à organiser une riposte et envisage de constituer des stocks. Mais pour le moment, aucune réelle mesure n'a encore été prise.

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