mercredi 21 avril 2010

Des milliards chinois soulagent Chavez - Véronique Kiesel

Le Soir - 1E - MONDE, mardi, 20 avril 2010, p. 15

Merci Hu Jintao et merci la Chine ! » Hugo Chavez était visiblement heureux le week-end dernier d'annoncer à ses concitoyens, en pleines festivités du bicentenaire de l'indépendance, un maxi-accord économique avec la Chine. Pékin a en effet décidé d'investir 16 milliards de dollars au Venezuela dans des projets de production d'électricité et de pétrole.

Une société mixte entre le groupe pétrolier vénézuélien PDVSA et le géant pétrolier public chinois CNPC sera notamment créée pour exploiter et transformer le pétrole lourd du bassin de l'Orénoque, à l'est du pays. Dans cette région se trouve en effet une immense réserve de ce type de pétrole, beaucoup plus coûteux à exploiter et à raffiner que le pétrole léger.

Par ailleurs, la China Development Bank va octroyer au gouvernement de Caracas des prêts pour un montant de 20 milliards de dollars. Selon le président Chavez, ces prêts serviront à construire de nouvelles usines électriques et des autoroutes, et seront remboursés en pétrole.

Il s'agit d'un sérieux ballon d'oxygène plus que bienvenu pour le régime vénézuélien : depuis le 8 février dernier, le Venezuela vit sous un régime d'état d'urgence électrique à base de coupures de courant et de restrictions sévères pour les entreprises, obligées à consommer 20 % d'électricité en moins.

Des restrictions qui ne vont pas aider à faire remonter la croissance (le produit intérieur brut national s'est contracté de 3,3 % en 2009). D'après le gouvernement, la pénurie d'électricité est provoquée par la pire sécheresse depuis 1947. C'est en effet la centrale hydroélectrique Guri qui fournit plus de 70 % de l'énergie électrique consommée par le Venezuela. Pour fonctionner correctement, il lui faut un niveau minimum de 260m d'eau, or on en est actuellement à 249 m.

Pour l'opposition, la sécheresse n'est pas seule en cause : la crise est surtout due à l'absence de planification et d'investissement dans le secteur stratégique de l'électricité. Les projets chinois tombent donc à pic...

Ce n'est pourtant pas spécialement pour soutenir la « révolution bolivarienne » chère à Hugo Chavez que la Chine va déverser des milliards de dollars sur ce pays. C'est surtout parce que ce pays est le 5e producteur mondial de pétrole et que la Chine a besoin de diversifier ses sources d'approvisionnement. Pour nourrir l'insolente croissance chinoise (8 %), Pékin est devenu le troisième importateur mondial de pétrole derrière USA et Japon.

L'Amérique latine est donc désormais un fournisseur important pour la Chine, qui a déjà conclu des accords avec plusieurs pays de la région. Le Venezuela fournit actuellement à la Chine 400.000 barils par jour, un chiffre qui devrait monter à un million de barils en 2013.

Cela mettrait alors la Chine sur le même plan que les Etats-Unis, actuellement le principal client du pétrole vénézuélien. Mais la concurrence entre Pékin et Washington n'est pas seulement pétrolière : alors que les Etats-Unis, accaparés par les guerres d'Irak et d'Afghanistan, ont délaissé leurs partenaires latino-américains, Pékin s'est engouffré dans la place avec ses milliards de dollars. Une diplomatie très appréciée car richement dotée, efficace et sans conditions « politico-droits de l'hommistes ».

© 2010 © Rossel & Cie S.A. - LE SOIR Bruxelles, 2010

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