jeudi 22 avril 2010

EXPO 2010 - A Shanghai, un pavillon français peu prisé par le privé

Les Echos, no. 20662 - Immobilier, jeudi, 22 avril 2010, p. 31

L'Exposition universelle ouvre dans dix jours. Pour l'occasion, la France a sorti sa gastronomie, ses impressionnistes et sa sensualité. Mais les donateurs n'y ont guère été sensibles.

Dans quelques jours, les ouvriers auront quitté les chantiers. Les pavillons se font beaux pour accueillir, le 1er mai, les délégations du monde entier. Plus de 150 bâtiments provisoires, grands ou petits, sérieux ou fantaisistes, pastiches ou futuristes sont posés sur 450 hectares de part et d'autre du fleuve Huangpu à Shanghai. 70 millions de visiteurs sont attendus, dont 95 % de Chinois, au cours des six mois que va durer l'exposition. « Voilà les données, c'est pourquoi avant le concours, j'avais décrit le pavillon de la France comme un aspirateur_ Les gens n'y passeront pas plus de quinze minutes, explique José Frèches, le président de la Compagnie française pour l'Exposition de Shanghai 2010 (Cofres). C'est le temps qui nous est imparti pour leur offrir une belle image de la France nourrie à la fois des traditions que la Chine apprécie, l'art, le raffinement, la mode, le luxe, la gastronomie et d'une facette moins connue, celle de l'innovation, de la technologie, du modernisme. »

L'architecte Jacques Ferrier a répondu au plus près de cette commande avec un bâtiment inspiré de la ville sensuelle, adapté également au thème de l'exposition, « Meilleure ville, meilleure vie ». Son pavillon, serti dans une résille de béton, déroule un parcours en spirale autour des cinq sens, sans heurt ni porte afin de ne pas ralentir le flux attendu de 6.000 personnes par heure le long d'une scénographie racontant la France. « Les visiteurs rentrent par le haut du bâtiment, ils feront la queue au milieu d'un jardin à la française en hommage à Le Nôtre et près d'un bassin rafraîchissant, avant de descendre une rampe bordée à l'extérieur de jardins verticaux utilisés comme brise-soleil. Ils baigneront alors dans toutes sortes d'ambiances sonores, olfactives, visuelles que nous avons capturées dans des villes françaises, pour arriver à une exposition des grands peintres impressionnistes, 7 chefs-d'oeuvre ayant été prêtés par le musée d'Orsay », explique l'architecte. Des villes aux reflets après la pluie, des villes aux sons assourdis par la neige, des villes la nuit illustrées par des scènes de cinéma, des villes fleuries, bruyantes, silencieuses_ Tout le contraire des villes fonctionnelles, cloisonnées et sectaires dessinées sur ordinateurs et construites ex nihilo pour répondre aux appétits urbains contemporains. « Je voulais montrer que construire la ville durable ne signifie pas seulement empiler des technologies qui isolent ou recyclent mais apprendre à utiliser la technologie pour sublimer des paysages, améliorer les espaces publics, retrouver une forme de nature_ », poursuit Jacques Ferrier.

Ticket d'entrée trop élevé

Il n'y a rien à vendre dans ce pavillon à l'exception de produits de luxe dans une seule boutique. Les entreprises françaises n'ont pas eu non plus le loisir de montrer leur savoir-faire, car le bâtiment a été construit en Chine, par des sociétés chinoises. « Nous n'avions pas le choix, mais c'est aussi à cela que servent ces échanges, apprécie l'architecte. Les coques qui ont servi de moule aux éléments de la résille ont été fabriquées près de Shanghai, ce sont des pépiniéristes chinois qui ont développé les jardins_ Avec TER, les paysagistes, nous avons tous suivi de près, mais seule la scénographie intérieure a été réalisée par des entreprises françaises. »« Les grands acteurs économiques, comme les petits pouvaient bien sûr participer au financement de cette grande aventure, précise José Frèches. Nous avions tablé sur 25 millions d'euros de mécénat, c'était sans doute trop ambitieux, nous n'en avons récolté que 10. » Lafarge, LVMH et Sanofi-Aventis ont versé chacun 1,5 million d'euros. Airbus, Veolia, Carrefour, Areva, toutes les banques de la place et de nombreux autres groupes ont été sollicités, en vain. Ils ont estimé le ticket d'entrée trop élevé. « J'étais là pour leur offrir une opportunité, pas pour tendre la sébile. Je suis encore sidéré des fins de non-recevoir d'entreprises pourtant très impliquées sur le marché chinois. Elles auraient pu se placer, à peu de frais, ce sont des gestes qui comptent dans ce pays », poursuit le maître d'ouvrage du pavillon, encore amer face à cette indifférence justifiée par certains par un « produit » peu convaincant. Scénographie comprise, le bâtiment aura coûté moins de 50 millions d'euros, dont 20 pour la construction sur un terrain prêté par le gouvernement chinois pour six mois. Les Français aimeraient lui prédire un avenir de galerie d'art. L'architecte, lui, imagine bien les pavillons des différents pays, tous consacrés à l'urbanisme, dispersés à travers un pays en très forte croissance, dont les villes de plusieurs dizaines de millions d'habitants poussent trop vite.

CATHERINE SABBAH

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