Premier du genre, le séminaire franco-chinois qui vient de se tenir à Pékin a montré que l'échange d'idées pouvait aider à surmonter la profonde crise qu'ont traversée en 2008 les relations entre les deux pays. À l'approche de la visite en Chine du président Nicolas Sarkozy à la fin du mois, « ce fut un échange d'autant plus riche qu'il a permis une plus grande liberté de ton que les contacts officiels habituels », a relevé l'ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine, qui conduisait les discussions du côté français.
La rencontre a été organisée par les autorités de Pékin, soucieuses de mieux faire passer leur message auprès d'une opinion publique française qu'elles jugent parfois « antichinoise ». Des spécialistes de la Chine, de l'économie et des relations internationales, parmi lesquels Pascal Boniface, François Géré, François Godement et Jacques Mistral, avaient été invités à aller à Pékin s'exprimer devant les responsables et experts chinois. Sur les sujets habituels de polémique, comme le Tibet ou la défense des droits de l'homme, les points de vue ne pouvaient se rapprocher, même si universitaires et diplomates chinois ont appelé leurs interlocuteurs français à davantage tenir compte de leurs explications comme de l'état d'une opinion chinoise souvent indignée par les critiques venant de l'étranger. « Dans un monde qui reste dominé par l'Occident mais où s'affirment des puissances émergentes, il faut écouter l'autre, plutôt que chercher à imposer ses idées », a insisté le conseiller d'État Dai Bingguo, principal artisan de la diplomatie chinoise, au cours d'un dîner offert pendant le séminaire.
Il a tenté de répondre aux inquiétudes que suscite la montée en puissance chinoise. « Il est important que les Européens comprennent que le développement de la Chine représente pour eux une opportunité », a-t-il dit en présentant son pays comme « un grand concurrent » qui doit « pousser les Européens à avancer ». « Les pays qui font les premiers pas pour la coopération » avec la Chine « seront les premiers à en tirer parti ». Après les polémiques à propos des événements au Tibet, du parcours de la flamme olympique et de la personnalité du dalaï-lama, l'échec de la conférence de Copenhague sur la lutte contre le réchauffement climatique a montré à nouveau combien la Chine avait des difficultés à ne pas se retrouver en position d'accusée. « Nous n'arrivons pas à nous faire comprendre. Pourquoi? » s'est interrogée Mme Fu Ying, vice-ministre des Affaires étrangères.
La crise et la tenue remarquable de son économie ont accéléré la montée en puissance de la Chine, qui a bien du mal à gérer le rôle croissant qu'elle joue dans le monde. Fiers d'être sollicités au G20 pour participer à la prise de décision internationale, les Chinois se retranchent malgré tout derrière leur statut de pays en développement pour éviter de s'engager sur des sujets délicats. C'est un grand écart de plus en plus difficile à tenir. Le besoin d'une diplomatie moins traditionnelle et plus persuasive, qui s'est exprimé au cours du séminaire franco-chinois, montre une évolution.
prousselin@lefigaro.fr
© 2010 Le Figaro. Tous droits réservés.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire