Le réalisme politique l'a emporté sur les considérations humanitaires dans le cas des quatre ressortissants japonais accusés de trafic de drogue et exécutés en Chine au cours de la semaine. A la suite de la première exécution, mardi 6 avril, trois autres trafiquants ont subi le même sort, vendredi, à Dalian et à Shenyang. C'est la première fois que la Chine exécute des Japonais depuis la normalisation des relations entre les deux pays en 1972.
Le premier ministre, Yukio Hatoyama, qui a qualifié de « regrettable » la première exécution et a déclaré : « Chaque pays a son propre système judiciaire et je m'abstiendrai de tout commentaire qui pourrait apparaître comme une ingérence dans les affaires internes d'un autre Etat. » La ministre de la justice, Keiko Chiba, a estimé que ces sentences étaient « sévères », et elle a exprimé la crainte que ces exécutions n'entraînent une dégradation des relations sino-japonaises.
Deux objectifs peuvent expliquer la « réserve » de Tokyo : ne pas attiser le débat sur la peine de mort dans l'Archipel et ne pas froisser le voisin chinois. Le Japon est, avec les Etats-Unis, l'un des derniers pays développés à pratiquer la peine de mort, généralement pour des homicides. En dépit des efforts du mouvement abolitionniste, les sondages indiquent que la majorité de l'opinion reste favorable à son application. Opposée à la peine capitale, la ministre n'a signé aucun ordre d'exécution depuis qu'elle détient ce portefeuille.
La seconde préoccupation - ne pas provoquer le courroux chinois - semble avoir été déterminante dans la modération de la réaction officielle japonaise. Tokyo a voulu éviter les accusations d'ingérence lancées par Pékin à l'encontre du Royaume-Uni après l'exécution, en décembre 2009, d'un ressortissant britannique accusé de trafic de drogue, mais qui, selon son avocat, présentait des déficiences mentales.
Même Mme Mizuho Fukushima, présidente du Parti social démocrate et militante abolitionniste active, s'est abstenue de critiquer la Chine, et a exprimé simplement son « profond regret ». La presse japonaise en général commente moins les exécutions elles-mêmes qu'elle ne traite de l'extension du trafic de drogue en Chine.
Tokyo, qui souhaite une bonne entente avec la Chine, veut éviter qu'une nouvelle pomme de discorde ne perturbe l'active politique de rapprochement menée par le gouvernement Hatoyama depuis son arrivée au pouvoir en septembre 2009.
Les droits de l'homme n'ont jamais été la priorité de la diplomatie japonaise. Démocratie et défenseur des libertés, le Japon est mesuré dans ses condamnations de violation des droits, notamment en Asie : son passé expansionniste ne le place guère en position de donner des leçons. Il est particulièrement réservé en ce qui concerne la Chine.
Philippe Pons
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