Pékin voudrait que les banques refusent des prêts à des clients déjà propriétaires d'au moins deux appartements ou ne pouvant pas prouver qu'ils paient des impôts dans la ville où ils désirent acheter un logement.
Les investisseurs chinois ont très mal réagi, hier, à l'annonce de la mise en place de nouvelles mesures de contrôle du marché immobilier. Ayant récemment parié sur une progression continue de ce secteur qui a largement alimenté la reprise de la croissance domestique depuis l'été 2009, ils estiment que les banques et les promoteurs immobiliers pourraient souffrir de la campagne de lutte contre la spéculation enclenchée le week-end dernier par les autorités communistes et ont, en réaction, massivement vendu les titres des groupes travaillant dans la construction. Le géant de l'immobilier Vanke a ainsi reculé de plus de 8 % sur la place de Shenzhen quand Gemdale, un autre développeur, plongeait, lui, de 8,5 % à la Bourse de Shanghai, dont l'indice composite, malmené par toutes ces chutes, a perdu 4,8 % dans la journée.
Les banques grandes gagnantes
Les nouvelles mesures de refroidissement du marché de l'immobilier auraient été décidées, la semaine dernière, après la publication de statistiques montrant que les prix du mètre carré dans les grandes villes ont progressé, en moyenne, de 11,7 % en mars sur un an. Très inférieure à la réalité - les transactions sont traditionnellement « sous-estimées » par les vendeurs d'appartements qui veulent limiter les taxes dues à l'Etat -, cette poussée alimente la grogne des familles de classe moyenne, qui ne peuvent plus accéder à la propriété, et inquiète le pouvoir communiste qui accuse les spéculateurs de dérégler l'ensemble du marché.
Pour limiter ce type d'opérations, Pékin, qui avait déjà augmenté la semaine dernière, l'apport personnel minimum pour l'achat d'un second bien à 50 % de sa valeur, va désormais autoriser les banques à refuser, dans certaines villes, des prêts à des clients déjà propriétaires d'au moins deux biens. De même, les banques pourront également refuser des prêts à des demandeurs ne pouvant pas apporter la preuve qu'ils ont résidé, et payé leurs impôts, durant au moins un an dans la ville où ils désirent acheter un logement.
Décortiquant ces nouvelles annonces, les observateurs doutaient, hier, de leur efficacité. Ils rappelaient notamment que la mise en place de ces contrôles relevait de la seule bonne volonté des banques commerciales, qui ont pour l'instant beaucoup profité des opérations spéculatives et n'hésitent déjà pas à faire acheter des biens par les enfants de plus de 18 ans des familles ne voulant pas être repérées comme des gros propriétaires. De même nombre d'opérations immobilières sont réglées directement en liquide dans le pays par des acheteurs et des vendeurs qui n'ont pas intérêt à s'expliquer sur l'origine douteuse de leur fortune.
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La Chine doit s'attaquer plus durement à sa bulle immobilière - John Foley
Le Monde - Economie, mardi, 20 avril 2010, p. 15
Tous ceux qui ne croient pas à l'existence d'une bulle sur le marché immobilier chinois feraient bien d'écouter les gens bien informés. Le Conseil des affaires de l'Etat, la plus haute instance politique gouvernementale, vient d'annoncer une série de mesures destinées à ramener les prix de l'immobilier à des niveaux plus raisonnables. Un bon début, même si le dispositif ne traite que deux des trois causes à l'origine de ce phénomène : l'excès de capitaux et l'insuffisance de l'offre.
La faiblesse des données disponibles fait que personne ne sait vraiment comment évoluent les prix de l'immobilier en Chine. Le Bureau des statistiques affirme qu'ils ont progressé de 11,7 % entre mars 2009 et mars 2010 : un taux vraisemblable au regard de la croissance à deux chiffres du produit intérieur brut (PIB), qui a atteint 11,9 %. Mais de son côté, le ministère des terres et des ressources soutient que la hausse des prix a atteint 25 %.
Les anecdotes que l'on peut relever sur le terrain laissent à penser qu'une bulle est effectivement apparue. D'après Credit Suisse, les ménages doivent maintenant débourser douze années de revenu pour acheter un logement ordinaire à Pékin. Sur l'île d'Hainan, souvent présentée comme le « Hawaï chinois », le prix des résidences a augmenté de 50 % au cours des douze derniers mois. Ce n'est plus Hawaï, c'est désormais la Floride...
Les décisions prises par le gouvernement chinois produiront certainement des effets. Le relèvement du montant de l'apport initial pour acheter un bien ainsi que la hausse du taux des crédits immobiliers va rendre la spéculation immobilière plus coûteuse. L'affectation de terrains supplémentaires à la construction de logements abordables contribuera à combler l'insuffisance de l'offre pour les acquéreurs solvables. L'institution d'un impôt sur la propriété foncière pourrait également renforcer ces mesures dissuasives.
Mais le problème n'a pas été provoqué uniquement par l'excès de capitaux et par l'insuffisance de l'offre. En fait, les acquéreurs de biens immobiliers sont à la fois trop empressés et trop confiants. D'un côté, ils craignent que les quantités de liquidités sans précédent qui ont été injectées dans le circuit financier finissent par faire décoller l'inflation. Ils sont aussi anxieux de ne pas laisser filer l'occasion d'acheter. De l'autre, comme le bâtiment est le moteur le plus puissant de la croissance, ils sont convaincus que Pékin n'osera jamais tuer la poule aux oeufs d'or.
Pour le gouvernement chinois, la meilleure façon de réduire la bulle immobilière est de leur prouver qu'ils ont tort, en relevant significativement les taux d'intérêt directeurs. Cela aurait le mérite de diminuer le prix des biens et d'envoyer un message sans ambiguïté quant à l'évolution de l'inflation.
(Traduction de Christine Lahuec)
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