mercredi 28 avril 2010

Sarkozy en Chine : la longue marche des retrouvailles - Alain Barluet

Le Figaro, no. 20447 - Le Figaro, mercredi, 28 avril 2010, p. 5

Le président de la République entame aujourd'hui à Pékin une visite d'État avant d'assister vendredi à Shanghaï à l'ouverture de l'Expo universelle.

Même si les visées économiques n'en sont pas absentes, c'est une visite essentiellement politique que débute aujourd'hui Nicolas Sarkozy à Pékin. Deux ans après une sérieuse brouille suivie d'un patient rabibochage, on espère désormais à l'Élysée « le retour à une relation de partenariat global sans nuage ».

François Fillon est venu en décembre porter ce message. Le président de la République entend sceller la réconciliation lors de cette visite d'État, la deuxième de son mandat après celle de novembre 2007, au cours de laquelle tout l'apparat protocolaire sera déployé afin qu'elle soit « impressionnante », proclame-t-on à Pékin.

Après ses entretiens dans la capitale, notamment cet après-midi avec son homologue Hu Jintao, Nicolas Sarkozy ira à Shanghaï pour assister à la cérémonie d'ouverture de l'Exposition universelle qui s'annonce haute en couleurs. « Impressionnante » aussi, sans nul doute, la partie privée de la visite : le chef de l'État, accompagné de Carla Sarkozy, verra ce matin l'armée enterrée de l'empereur Qin, à Xian, et se rendra demain près de Pékin sur une portion fermée au public de la Grande Muraille.

À Paris, le moment est jugé particulièrement propice pour pousser les avances avec le partenaire chinois, malcommode autant qu'indispensable. D'une part, la tenue pour six mois de l'« Expo 2010 », vitrine de la puissance chinoise après les JO de 2008, augure d'une période où Pékin aura à coeur d'afficher sa bonne volonté, du moins l'espère-t-on. D'autre part, Paris anticipe sa présidence du G8 et du G20, l'an prochain, et veut préparer le terrain en se ménageant l'appui chinois sur ce que seront ses priorités, la réforme de la gouvernance mondiale et du système monétaire international.

Sur ce dernier aspect, Nicolas Sarkozy ne se prive pas depuis plusieurs mois d'accuser la Chine de maintenir le yuan à un niveau artificiellement bas, avec comme conséquences de graves déséquilibres pour l'économie mondiale. Les attentes sont d'autant plus grandes vis-à-vis de l'empire du Milieu que celui-ci, contrairement au monde occidental, est sorti de la crise et a renoué avec une croissance à deux chiffres, 11,9 % au premier trimestre 2010.

Rallier Pékin aux sanctions contre l'Iran

Pas question toutefois pour Nicolas Sarkozy de prendre ses interlocuteurs de front sur cette question sensible. Pour ne pas braquer Pékin, il n'abordera pas le sujet sous « l'angle étroit » d'une demande de réévaluation du yuan, souligne-t-on ainsi dans l'entourage du président de la République. Il s'agira plutôt, poursuit-on, d'engager « une réflexion plus large » visant à « ouvrir le chantier de la relation entre les grandes monnaies et du rôle d'institutions comme le Fonds monétaire international ».

De leur côté, les Américains ont eux aussi baissé leur discours d'un ton. Le secrétaire d'État au Trésor, Timothy Geithner, plutôt virulent dans le passé sur la question du yuan, vient de rappeler que « la décision revient à la Chine », estimant que celle-ci finira par décider « qu'il est dans son intérêt » de laisser sa monnaie s'apprécier.

Ce bémol correspond au souci, commun à Paris et à Washington, de rallier Pékin à un projet de résolution de sanctions contre l'Iran laborieusement mis en oeuvre à l'ONU. Ces tractations ne manqueront pas d'être évoquées lors des discussions de Nicolas Sarkozy avec ses interlocuteurs chinois, qui continuent à favoriser le dialogue avec Téhéran sur le dossier nucléaire.

Là encore, on estime côté français qu'une mise sous pression trop directe des Chinois serait contre-productive. L'idée est plutôt de leur faire valoir que des sanctions sévères contre Téhéran, y compris un éventuel embargo pétrolier, ne seraient pas préjudiciables à leurs intérêts économiques. « Il n'est pas question que les pays importateurs soient victimes d'une résolution de sanctions », affirme-t-on à l'Élysée. « Si le pétrole était sur la liste, ce qui n'est pas du tout sûr, les Chinois savent que des pays pétroliers seraient prêts à compenser tout ce qui ne viendrait pas d'Iran », dira aussi Nicolas Sarkozy pour tenter de convaincre les dirigeants de « l'usine Chine », à laquelle l'Iran fournit tout de même 14 % de ses besoins en or noir.

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Nicolas Sarkozy en visite d'Etat en Chine pour confirmer la réconciliation entre Paris et Pékin

Le Monde - International, mercredi, 28 avril 2010, p. 5

Pas de solution sans la Chine. C'est sur ce constat que Nicolas Sarkozy commence, mercredi 28 avril, une visite d'Etat de trois jours à Pékin et Shanghaï. Histoire de solder les désaccords du passé et préparer la présidence française du G8 et du G20, en 2011, qui rassemblent les principales puissances de la planète. M. Sarkozy compte utiliser ce forum à des fins intérieures, comme il l'avait fait pour sa présidence de l'Union européenne fin 2008. Ce fut la seule période de popularité du chef d'Etat.

L'affaire n'est pas gagnée. M. Sarkozy l'a expérimenté fin 2009 au sommet de Copenhague sur la lutte contre le réchauffement climatique. Il espérait imposer ses vues en fédérant le Brésil et les pays les plus pauvres de la planète. Il s'est heurté de front à la Chine, qui a su faire basculer les pays africains, notamment, en sa faveur, et transformé le sommet en tribune anti-occidentale. Pékin n'avait daigné envoyer à la table des négociations qu'un fonctionnaire, tandis que le premier ministre Wen Jiabao restait dans son hôtel.

Depuis, M. Sarkozy ne cesse de pester en privé contre les Chinois. L'ampleur du contentieux est d'une autre nature que les brouilles de 2008, lorsque le président français s'était ému des émeutes au Tibet, avait menacé de ne pas se rendre à la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Pékin et avait fini par rencontrer en catimini le dalaï-lama à Gdansk. Pour Pékin, qui fustige désormais avec un vigoureux systématisme toute rencontre d'un dirigeant étranger avec le chef tibétain en exil, la rencontre de Pologne avait été perçue comme une trahison, une crise durable pour l'" amitié " franco-chinoise exaltée au temps de Jacques Chirac.

Depuis que M. Sarkozy s'est entretenu avec le président chinois Hu Jintao en avril 2009 à Londres, suivi de la visite à Pékin de François Fillon en décembre, la relation franco-chinoise a été relancée. Mais tout cela scelle plus la fin de la brouille officielle que le début d'une vraie coopération. Comme on le dit au Quai d'Orsay, " la page a été tournée, maintenant on repart. Mais on est en divergence d'intérêts sur d'énormes sujets. "

Il faut cependant renouer des liens avec Pékin si Paris veut pouvoir peser sur la scène internationale. M. Sarkozy, d'habitude si pressé, sera présent trois jours dans la capitale chinoise, avec un entretien mercredi avec le président Hu, jeudi avec le président de l'Assemblée populaire Wu Bangguo et, vendredi, avec le premier ministre Wen Jiabao. Il achèvera son séjour le même jour par l'inauguration de l'Exposition universelle de Shanghaï et un passage par le pavillon français. " La visite du président Sarkozy est une visite d'Etat, la Chine y attache une grande importance. Nous nous attendons à ce qu'elle soit impressionnante ", a déclaré Mme Jiang Yu, porte-parole du ministère des affaires étrangères.

Iran, tourisme, économie

Pour montrer qu'il s'intéresse à ce pays, M. Sarkozy consacrera une partie importante de son séjour au tourisme culturel : avec son épouse, Carla Bruni-Sarkozy, il doit visiter l'Armée de terre cuite de l'empereur Qin dans l'ex-capitale Xian, faire une escapade sur une partie sauvage de la Grande Muraille, visiter les tombeaux de la dynastie Ming ainsi que la Cité interdite à Pékin.

Si M. Sarkozy compte profiter de sa présidence du G20 pour remettre à plat le système monétaire international, il se gardera, à Pékin, d'attaquer le sujet de la sous-évaluation du yuan, la devise chinoise. " On n'abordera pas ce sujet par cet angle étroit ", précise l'Elysée, qui veut ouvrir " une réflexion large ", dans un " esprit coopératif, constructif, positif, pendant la présidence française du G20 ".

M. Sarkozy, le plus allant des responsables sur les sanctions contre l'Iran accusé de fabriquer des armes atomiques, devra aussi convaincre les Chinois, qui se fournissent en pétrole à Téhéran. " Il n'est pas question que les pays importateurs soient victimes d'une résolution de sanctions ", assure l'Elysée. Les Chinois défendent, par principe, la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats.

Il va falloir aussi relancer les échanges économiques entre les deux pays, alors que la part de marché de la France stagne en Chine à 1,3 %, loin derrière l'Allemagne. " De grands projets de contrats seront discutés - nucléaire civil, aéronautique, environnement - , mais il n'y a aura pas d'annonces. Elles seront faites lors de la visite du président Hu à l'automne ", précise l'Elysée.

En réalité, les Chinois acquièrent un savoir-faire croissant dans tous les domaines de prédilection de la France : nucléaire, ferroviaire, aéronautique. " L'une des grandes questions de ce voyage est de savoir si Paris peut renouer avec une diplomatie des grands contrats ou pas ", indique, à l'agence Reuters, François Godement, spécialiste de la Chine à Sciences Po Paris.

Arnaud Leparmentier et Bruno Philip

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En visite à Pékin, Nicolas Sarkozy compte ménager le régime chinois - Yann Rousseau

Les Echos, no. 20666 - International, mercredi, 28 avril 2010, p. 6

Le président français entame aujourd'hui une visite de trois jours en Chine au cours de laquelle il compte célébrer sa réconciliation avec les autorités communistes. Aucun contrat commercial majeur ne devrait être signé. Airbus et Areva poursuivent leurs négociations dans l'espoir d'annoncer des accords à l'automne.

Officiellement, Nicolas Sarkozy veut consacrer la visite d'Etat de trois jours qu'il entame ce matin en Chine à la célébration de sa réconciliation avec Pékin, qui avait très mal vécu en 2008 les commentaires du chef de l'Etat français sur la dégradation de la situation au Tibet puis sa rencontre avec le dalaï-lama. Pour relancer le « partenariat global stratégique » entre les deux capitales, l'Elysée compte concentrer son énergie sur les grands dossiers internationaux et non sur les contrats purement commerciaux. « Ils sont réservés à la visite du président chinois Hu Jintao à l'automne », explique Paris.

Soucieux de ne pas braquer Pékin qui semble toujours peiner à cerner la « politique chinoise » de Nicolas Sarkozy malgré ses trois déplacements dans le pays depuis 2007, l'Elysée a pris soin de mettre en avant dans sa préparation du voyage les sujets qui réunissent les deux capitales plutôt que de risquer un accroc sur des points de contentieux. Comme Barack Obama, le président français semble en effet estimer qu'il faut se montrer souple avec la dictature communiste pour obtenir son implication dans la résolution des crises internationales.

Au fil de ses entretiens avec le président chinois, son Premier ministre et le président de l'Assemblée, le chef de l'Etat français devrait ainsi évoquer son attachement à un monde multipolaire, rappeler que la lutte contre les changements climatiques nécessite une implication, non contrainte, de tous les grands pays développés et émergents et mettre en lumière la proximité de vue des deux capitales sur la gestion des crises en Birmanie, en Corée du Nord ou en Afghanistan. Prévoyant d'évoquer longuement la question iranienne, Nicolas Sarkozy, qui milite pour l'imposition de sanctions fortes contre Téhéran, devrait s'efforcer de rassurer Pékin qui redoute de voir ses colossales importations de brut iranien remises en cause par une action de l'ONU. « Il n'est pas question que les pays importateurs soient victimes d'une résolution de sanctions », insiste l'Elysée.

Sur les questions macro-économiques, Paris, qui prépare sa prochaine présidence du G20, devrait également épargner tout reproche à Pékin. Les retards dans la lutte contre la contrefaçon, la poussée du protectionnisme et la fermeture de certains marchés aux étrangers ne sont pas présentés comme des priorités. Jugeant désormais le débat sur une réévaluation du yuan « trop étroit », l'Elysée dit plutôt vouloir engager avec le gouvernement chinois une réflexion sur « les relations entre les grandes monnaies du monde ».

Un agenda « apaisé »

A Pékin, cet agenda « apaisé » est plutôt bien accueilli par la communauté d'affaires qui avait souffert pendant plus d'un an du refroidissement des relations bilatérales et affirme toujours percevoir une méfiance vis-à-vis de l'exécutif français. L'apparente stratégie du découplage des thématiques politiques et commerciales est également saluée. « Si elle témoigne d'une vraie réflexion, c'est une bonne chose », souffle un patron français qui rappelle que Barack Obama et Angela Merckel ne se mettent pas en scène dans des cérémonies de signatures de contrats lors de leur passage à Pékin. Si les visites politiques servent parfois à débloquer ou à accélérer des discussions, elles peuvent aussi avoir un impact négatif pour les négociateurs français qui se retrouvent dès lors contraints par des calendriers qu'ils n'ont pas choisis.

L'absence de contrainte va permettre cette fois aux groupes hexagonaux de peaufiner dans de bonnes conditions la signature de leurs prochains accords dans le pays. Areva travaille toujours à la vente de deux EPR supplémentaires au groupe CGNPC et a débuté les discussions sur le projet de construction d'une usine de retraitement. Une importante commande d'appareils Airbus, évoquée avec les compagnies chinoises qui viennent tout juste de sortir du rouge, pourrait aussi mûrir d'ici l'automne.

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PHOTO - China's President Hu Jintao (R) welcomes his French counterpart Nicolas Sarkozy as he invites him for lunch in Beijing November 26, 2007. Sarkozy used a state visit to China on Monday to publicly urge Hu to let the yuan rise more swiftly against Europe's single currency.

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