samedi 29 mai 2010

CLASH - Zemmour et Georges-Marc Benamou








« On n'est pas couchés » de Laurent Ruquier ce samedi soir : un clash entre deux géants, Georges-Marc Benamou et Eric Zemmour, le premier plaçant le second « à la droite de Pétain » et le second répliquant en parlant de « procès stalinien ». C'est bien sûr, hors-sujet avec le thème de ce blog, mais ce post est adressé à tous les expats de l'Empire du Milieu ! (ci-dessous, le dossier préparé par Le Point de la semaine dernière)

Georges-Marc Benamou : « Il fallait être fêlé »

Le Point, no. 1966 - France, jeudi, 20 mai 2010, p. 46,47,48

C'est une époque qui le hante. On connaît le Benamou spécialiste du Vichy mitterrandien. Chroniqueur du Munich et de ses fantômes de 1938. Mais il y a aussi le Benamou passionné par le côté moins obscur de la force française, la Résistance, Londres et le grand réveil de juin 1940. Onze ans après « C'était un temps déraisonnable », qui donnait déjà la parole à quatorze résistants de la première heure, ses «Les rebelles de l'An 40 : Les premiers Français libres racontent» (Robert Laffont) exhument seize autres longs témoignages de cette génération sacrée, de ces croisés magnifiques, qui, au mois de juin 1940, prirent un aller improbable pour un Londres brumeux.

Extraits

Ces fous furieux de la France. Les « fêlés »... En effet, il fallait être « fêlé », libre, rebelle, incapable de médiocrité, ou de calculs carriéristes, pour dire non le 17 juin, aussitôt après le discours de Pétain. Il fallait être « fêlé » pour rompre avec les siens, pour oser se soulever contre les familles, les conforts, les carrières, l'immense majorité des Français, la raison maréchaliste et d'autres gloires républicaines. Il fallait être « fêlé » pour sentir, mieux qu'Edouard Herriot qui hésitait encore le 10 juillet à Vichy, où se trouvaient l'honneur, le devoir, le camp du bien, et aussi la victoire dans cette affaire.

Il fallait être « fêlé », comme Cordier ou ses camarades, en cette fin juin 1940, pour partir à l'aveuglette, sans feuille de route, sans point de chute, pour la brumeuse et perfide Albion.

Seuls contre tous

Il y a un mystère de la première Résistance française. Depuis toujours, ce mystère m'a fasciné, et ce livre est une tentative de résoudre cette énigme sacrée.

Mystère de cette première Résistance; mystère de ce refus fondateur, de son origine, de ses motivations, parfois ses contradictions; mystère dans les circonstances qui l'entourent chez chacun de ces rebelles, ceux que je vais rencontrer, ou découvrir. (...)

Mystère de leur volonté, de la persistance de leur volonté, malgré le danger, les entraves, un pays avachi et sceptique.

Mystère dans la rencontre entre ces premiers résistants aux profils atypiques, aux itinéraires contrastés et venus de mondes contraires, qui en disant non font ensemble ce pari fou, illogique à première vue, totalement « déraisonnable », et au bout du compte miraculeux.

Mystère dans la réussite de cette entreprise insensée, vue d'aujourd'hui comme d'hier, d'ailleurs. En juin 1940, de Gaulle et cette poignée de « déraisonnables » accourus à Londres osèrent, en effet, proprement défier les lois de la nature et de la raison politique.

C'est pourtant cette folie, cette « France imaginée » par de Gaulle, que l'on verra triompher aux côtés des Alliés, cinq ans plus tard. Qui l'aurait dit, qui l'aurait cru ? Certes, on peut vanter le caractère visionnaire de De Gaulle qui, dès juin 1940, « voyait » la guerre devenir mondiale, et « savait » que les Américains allaient intervenir et déverser leur colossale industrie de guerre. Evidemment, il ne « savait » pas, il ne « voyait » pas, bien sûr; il en faisait simplement le pari, le pari fou.

On parle de 100 000 résistants à la Libération. Ce ne sont pas ces 100 000-là qui retiennent mon attention. Ce sont les autres, cette poignée miraculeuse, cette minorité - dans cette minorité que sera toujours la Résistance au sein de la Nation -, les tout premiers hérétiques qui, un jour de l'été 1940, diront non. Seuls contre tous. Certains auteurs estiment que cette première Résistance représente 0,35 % des hommes français disponibles, et après avoir retranché de ce décompte les 2 millions de prisonniers en Allemagne, les hommes âgés ou en charge de famille. 0,35 % de la France !... Autant dire rien. Ou tout. Le sel de la Nation.

Non à Pétain

Leur refus est d'abord instinctif, pas immédiatement idéologique, assez peu politique; il faut dire qu'à l'été 1940 les partis politiques républicains sont assommés, absents, muets, knock-out comme la plupart des Français. Faute de nouvelles des leurs, d'informations politiques fiables ou de consignes des corps intermédiaires, des partis, des syndicats et des associations, les Français de l'an 40 sont dans un terrible désert.

Le paradoxe - on le verra - est que ces premiers rebelles répondent plus à l'appel du 17 juin, celui de Pétain, certes à leur manière, qu'à celui du 18 juin, celui de De Gaulle, que la plupart d'entre eux n'entendront pas. Pour ceux qui deviendront les premiers rebelles, le discours de Pétain du 17 juin est un détonateur. Le maréchal vient d'être appelé à la présidence du Conseil, où il fait « don de [sa] personne à la France » et demande l'armistice.

Pour chacun d'eux, c'est un choc violent, intime, un mouvement tellurique profond. Pour l'une, c'est un dégoût physique; pour l'autre, c'est une colère qui l'oblige à barbouiller de graffitis les murs de Carcassonne; pour d'autres encore, c'est le départ immédiat, à pied ou à vélo, pour le port le plus proche, avec le coeur au ventre, le sentiment d'être orphelin de l'empire, d'un Etat, d'une armée. L'insupportable sentiment de l'effondrement d'un monde.

Une « armée de vaincus »

Un chiffre donne une idée assez précise de la qualité de l'engagement des premiers « Londoniens ». Au moment de l'appel du 18 juin, il y avait sur le territoire britannique 30 000 soldats et marins français : les repliés de l'expédition de Narvik, le reste des rescapés de Dunkerque, le personnel des marines de guerre ou de commerce à bord des navires français réfugiés dans les ports britanniques. Un mois plus tard, il n'en restait guère qu'un peu plus de 6 000 seulement en Grande-Bretagne. Les autres avaient préféré retourner en territoire français, en dépit de l'appel de De Gaulle, ou de la possibilité de combattre au côté de l'Angleterre. Des militaires mobilisés, des officiers supérieurs comme le chef de l'expédition de Narvik, le général Antoine Béthouart qui, bien qu'acquis à la cause alliée, refusa de se joindre à de Gaulle, son camarade de promotion à Saint-Cyr, mais fit en sorte que le Général puisse venir s'adresser directement à une partie du corps expéditionnaire au camp de Trentham; Béthouart ne franchira le Rubicon que plus tard, et sera néanmoins accueilli par de Gaulle et fait compagnon.

Au total, à la mi-juin, 13 500 marins, 10 % de la flotte de combat et 8 % de la marine marchande, étaient regroupés dans les ports de Southampton, Portsmouth, Plymouth, Falmouth. Quinze mille soldats de l'armée de terre étaient internés dans des camps de fortune, à Aintree, à Arrowe Park, à Haydock, à Trentham Park. Ils eurent connaissance, avant les autres, de l'appel du 18 juin. De quoi parlait-on en Angleterre, entre Français, à ce moment-là ? Peu d'entre eux s'engagèrent pourtant. Sur les navires, l'atmosphère était maussade, la confusion des esprits était grande. Les rumeurs les plus invraisemblables circulaient; on prétendait que l'engagement auprès de De Gaulle entraînerait la perte de la nationalité française. Après l'incertitude et le traumatisme de la défaite, la préoccupation dominante était de rentrer en France, et le plus tôt possible. Le discours de Pétain du 17 juin avait fait forte impression. La plupart des hommes pensaient que la guerre était finie. Inquiets pour leur famille, ils ne songeaient qu'à regagner leur foyer. On leur proposa, les Britanniques autant que les quelques Français libres, de rester en Angleterre.

Les Anglais leur distribuèrent des papiers leur offrant le choix entre le rapatriement en France, l'engagement dans les forces britanniques, l'embauche dans l'industrie de guerre anglaise ou l'enrôlement au sein d'un corps de volontaires français. Mais le choix devait être collectif, ce qui donnait beaucoup d'influence aux officiers français défaitistes. Les hommes s'inquiétaient des statuts proposés, craignaient les représailles en France pour leur famille.

En réalité, les Anglais, obsédés par la cinquième colonne, peu convaincus des capacités combatives de cette armée en déroute, n'ont pas fait grand-chose pour inciter au recrutement de soldats rebelles à leur gouvernement. Les rares premiers Français libres ont dû mener une véritable campagne, parfois contre la volonté des cadres français, afin de faire connaître leurs intentions. Des tournées de propagande furent organisées; elles ne furent pas toujours bien reçues. Etienne Schlumberger raconte qu'il a été accueilli par des insultes et des coups lors de sa venue parce qu'il voulait enrôler des soldats dans les FFL.

Seules quelques visites de De Gaulle parvinrent à motiver, à galvaniser cette « armée de vaincus ». A la suite de son allocution au camp de Trentham, la majorité des hommes de la 13e demi-brigade de la Légion étrangère et une poignée de chasseurs alpins décidèrent de rester. Cet apport fut décisif. La petite cohorte d'officiers ralliés comprendra des hommes aux destinées exceptionnelles : André Dewavrin dit le colonel Passy, mais aussi Pierre Koenig, futur maréchal de France, Pierre-Olivier Lapie, futur ministre, et des futurs généraux : Monclar, de Bollardière, Saint-Hillier. A ces militaires s'ajoutèrent quelques rares civils membres de la colonie française de Grande-Bretagne, comme René Pleven, second de Jean Monnet au comité de coordination franco-britannique.

Pendant ce temps, depuis la mi-juin 1940, 4 000 Français tentèrent de rejoindre l'Angleterre pour s'engager dans la France libre : environ 500 pêcheurs bretons (dont les 127 hommes de l'île de Sein), des centaines de jeunes lycéens ou étudiants, une poignée d'aviateurs (parmi eux les 108 moniteurs et élèves de l'école de pilotage n°23 du Mans) et de militaires (comme le lieutenant Jean Simon, saint-cyrien, et son camarade réserviste, le sous-lieutenant Pierre Messmer, qui quittèrent Clermont-Ferrand dès le 17 juin, bien décidés à poursuivre le combat hors métropole).

Le chassé-croisé de deux France

Une double migration. Près de 30 000 soldats français fourbus, défaits, revenant en France occupée : piteux spectacle. Et, en sens inverse, glorieux spectacle, quelques fous, quelques dizaines de « déraisonnables », des marins ou des enfants à peine grandis, dont la guerre n'est pas le métier, qui accourent, cherchent un port, un bateau, une lueur d'espérance dans la nuit française.

Ce chassé-croisé de deux France, en ces jours de juin 1940, en dit long. Une France défaite, éteinte et résignée, s'en retourne, alors qu'une autre France s'élance, rebelle, insensée, idéale

Ecran noir

« Un taxi pour Tobrouk » et quelques scènes avec la 2e DB dans « Paris brûle-t-il ? » : voilà à quoi se résume, dans le cinéma français, l'épopée des FFL. Hormis la survie dans le désert d'un commando de quatre hommes, où l'on retrouve Ventura et Aznavour, c'est donc l'indifférence, l'absence d'images qui dominent. Réalisé en 1961, le film de Denys de La Patellière avait pourtant été un triomphe et aurait dû convaincre les producteurs de prendre le relais. Il n'en fut rien. La Résistance, en revanche, a tout raflé. Dès 1945, « La bataille du rail » et « Le père tranquille » instaurent la suprématie sur les écrans de l'« armée des ombres ». Pourquoi ce déséquilibre flagrant et injuste ? Le septième art français n'a jamais su vraiment filmer le militaire. Ses cinéastes, à la différence de leurs collègues américains, n'avaient pas fait la guerre. A noter, le projet de film d'Eric Heumann, «Un capitaine», sur l'odyssée du maréchal Leclerc depuis mai 1940 jusqu'au serment de Koufra, tenu en 1941.

La mort en cas de capture

Pour la plupart déjà condamnés à mort par Vichy, les « Free French » n'avaient guère de chances de survivre en cas de capture : Hitler avait donné l'ordre de les exécuter. Si Rommel, en Afrique du Nord, refuse d'appliquer cette consigne, ce ne sera pas le cas en Russie, où certains pilotes du Normandie-Niemen seront abattus, ni lors de la bataille de Normandie, durant laquelle de nombreux commandos du Special Air Service (SAS) parachutés en Bretagne lors du D-Day seront passés par les armes.


«Les rebelles de l'An 40 : Les premiers Français libres racontent», de Georges-Marc Benamou (Robert Laffont, 374 pages, 21 E). En librairie le 27 mai.

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Les rebelles de la France libre

Le Point, no. 1966
- France, jeudi, 20 mai 2010, p. 40,41,42,43

Dossier réalisé par François-Guillaume Lorrain et François Malye

Soixante-dix ans après l'appel du 18 juin, « Le Point » revient sur ces résistants de l'extérieur.

Ils furent les premiers héros de l'histoire de France à tracer leur chemin de gloire et de sang en se rebellant contre leur patrie. Qui étaient ces hommes et ces femmes qui refusèrent la défaite et pourquoi firent-ils ce choix de « fêlés », comme l'écrit Georges-Marc Benamou dans son livre « Les rebelles de l'an 40 », dont Le Point publie de larges extraits (voir pages 46 à 48) ?« L'exact négatif de la France de Vichy, terrienne et repliée sur elle-même. La majorité d'entre eux proviennent du littoral ou encore de l'empire », répond l'historien Jean-François Muracciole, auteur d'un passionnant ouvrage traçant, à partir d'un échantillon de 4 500 dossiers, le visage méconnu de cette Résistance de l'extérieur.

Même leur nombre fait encore débat, en raison de l'incertitude sur le chiffre des volontaires issus des colonies : ils seraient environ 30 000 sur les 73 100 Français libres. Jean-François Muracciole a choisi de les exclure de son étude, par manque d'archives et de témoignages, mais aussi parce que les raisons de leur engagement diffèrent. Ces authentiques Français libres, soldats de l'armée française - même si la plupart n'en possédaient pas la nationalité -, suivirent l'encadrement « blanc » quand celui-ci choisit de se rebeller contre Vichy.

Les traits de cette France libre, d'origine européenne, se précisent avec le lieu de résidence de ces volontaires au moment de leur engagement. Trois régions vont fournir le gros des bataillons : la Bretagne, l'Ile-de-France et l'outre-mer.« Quand on était en Bretagne, l'Angleterre était le choix évident, en raison de la proximité et des échanges fréquents avec les Britanniques »,explique André Quelen (voir page 54). La petite ville de Douarnenez offre ainsi autant de Français libres (700 hommes) que Toulouse, Marseille et Lyon réunis...

Esprit de revanche. En réalité, 42 % de ces volontaires vivaient avant la guerre sur le littoral, des Pyrénées à la Manche, d'où il leur était plus facile de fuir. L'autre grand réservoir, c'est l'empire, qui fournit 15 % des effectifs. Leurs origines sociales ? Avec peu de ruraux ou d'ouvriers et une surreprésentation des classes dirigeantes, du milieu militaire et de l'aristocratie, les Français libres sont logiquement deux fois plus nombreux à être issus d'un milieu de droite que de gauche. On y trouve également une forte proportion d'étudiants et de juifs, de protestants et d'étrangers. Les Parisiens furent bien surpris en accueillant les premiers soldats de la 2e DB qui entrent dans la capitale. Ce sont des républicains espagnols de la 9e compagnie du 3e bataillon du régiment de marche du Tchad, la Nueve, dont les chars portent les noms de bataille de la guerre d'Espagne, « Guadalajara » ou « Madrid. » Autre donnée essentielle, près d'un quart des Français libres sont orphelins, pourcentage considérable, le plus souvent de père, tué durant la Première Guerre mondiale.« J'avais le souvenir de 1914, j'ai grandi au milieu des veuves, dans une France en noir, c'était effrayant », témoigne Daniel Cordier, radio et secrétaire de Jean Moulin (voir page 57). Ce qui explique leur esprit de revanche, mais aussi cet amour qui les lie à leur chef, le général de Gaulle, chez qui ils retrouvent une figure paternelle.

Cette tour de Babel militaire qui se forme à partir de juin 1940 est d'abord constituée d'une petite partie des 30 000 militaires français présents en Grande-Bretagne au moment de l'armistice : légionnaires et chasseurs alpins revenant de la campagne de Norvège, rescapés de Dunkerque, marins stationnés sur leurs bâtiments dans les ports anglais. Mais seuls 6 000 d'entre eux choisissent de continuer le combat, les autres retournant en France ou au Maroc. Premier déchirement, même si les effectifs se gonflent de 4 000 volontaires venus de France, puis de ceux de l'empire avec les ralliements successifs de l'Afrique équatoriale française (AEF), de la Polynésie et des établissements de l'Inde.

Evadés. Mais ceux-ci ne doivent pas faire illusion. Le premier revers des Free French préfigure deux années noires : c'est l'échec cinglant de l'opération de Dakar fin septembre 1940, quand de Gaulle, espérant enlever ce point névralgique, se fait canonner à vue; d'autres combats fratricides ont lieu au Gabon, puis en Syrie à l'été 1941. Mais la France libre persiste : Leclerc à travers l'Afrique, les hommes du BCRA (les services de renseignement et d'espionnage de la France libre) parachutés en France, structurant peu à peu les réseaux de résistance, d'autres Free French guerroyant contre les troupes du « Renard du désert », le maréchal Rommel. Heureusement, il y a Bir Hakeim. Fin mai 1942, cet ancien point d'eau est âprement défendu par le général Koenig, permettant ensuite aux Britanniques d'infliger, à El-Alamein, une sévère défaite aux troupes de l'Axe : « Au début, les Anglais nous prenaient pour des rigolos, des mercenaires. Après ça, on a senti leur regard changer », explique l'aviateur René Gatissou (voir page 53). Mais côté ralliement, c'est toujours la traversée du désert.

La deuxième grande vague de volontaires rejoint la première après le débarquement allié en Afrique du Nord, le 8 novembre 1942. C'est la « bissectrice » de la guerre, selon l'expression de l'historien de la Seconde Guerre mondiale Henri Michel, ce moment où, un peu partout dans le monde, les Alliés reprennent l'avantage. Les effectifs des FFL se renforcent d'une poignée de « déserteurs » de l'armée d'Afrique, de ceux qu'on appellera plus tard les pieds-noirs, mais aussi d'évadés, par l'Espagne, de la France désormais totalement occupée. Le 31 juillet 1943, les Français libres cessent d'exister en tant que seule force luttant contre l'occupant. Ils fusionnent avec l'armée d'Afrique.

Il faudra bien des combats menés côte à côte pour que cesse l'hostilité entre ces hommes auréolés de gloire et ceux qui ont choisi de rester l'arme au pied. En 1944, au Maroc, les hommes de la 2e DB font encore le coup de poing avec les « Africains » du 12e cuirassier, qu'ils surnomment aimablement le « Royal Nazi ».« Nous traversions l'Algérie pour rejoindre la 2e DB au Maroc, raconte François Jacob, chancelier de l'ordre de la Libération (voir page 62). On est tombés dans un restaurant sur un groupe d'officiers de l'armée de Giraud. "Mort aux cons", a dit l'un d'entre nous. On a repris en choeur : "Mort aux cons !" Ils sont partis, après avoir hésité à se jeter sur nous. »

Après, ce sera la campagne d'Italie et ses terribles combats contre des troupes allemandes d'élite, puis, moment inoubliable, le débarquement en France, en Normandie pour la 2e DB ou dans le Midi.« Quand j'ai sauté dans l'eau, raconte Hubert Germain (voir page 56),tout s'est cassé. Je ne tenais plus sur mes jambes, j'ai senti l'odeur des pins, le chant des cigales et j'ai ramassé une poignée de sable. » « On a chanté "Maréchal, nous voilà" », dit Jean Tranape en riant. Venu de Nouméa, ancien du bataillon du Pacifique décimé à Bir Hakeim, ses yeux brillent encore de son émerveillement en voyant la mère patrie pour la première fois (voir page 60).

Suivent les mois meurtriers des campagnes d'Alsace et d'Allemagne. Des pertes de la même ampleur que les pires combats de la Première Guerre mondiale.« L'escadrille Alsace, composée d'une vingtaine de pilotes, a été renouvelée entièrement trois ou quatre fois », explique l'aviateur Claude Raoul-Duval (voir page 58). Au total, 3 200 de ces « fêlés » mourront au combat et plus de 10 000 seront blessés. Pour avoir été libres de penser - et de prouver - que si la France avait perdu une bataille elle n'avait pas perdu la guerre

Encadré(s) :

Etre Français libre

Sont considérés comme Français libres ceux qui ont rejoint les FFL (Forces françaises libres) entre le 18 juin 1940 et le 31 juillet 1943, date à laquelle elles fusionnent avec l'armée d'Afrique pour devenir les Forces françaises combattantes, c'est-à-dire l'armée du CFLN (Comité français de libération nationale). S'ajoutent à ces volontaires les membres des réseaux de résistance affiliés au CNF (Comité national français), instance politique de la France libre, ainsi que les évadés de France ayant rejoint une unité ex-FFL « même après le 31 juillet 1943 pour des cas de force majeure tels que l'incarcération consécutive à leur évasion ». Enfin, y appartiennent également ceux qui ont été blessés ou tués en tentant de les rejoindre avant la fusion de l'été 1943.

Bibligraphie

« Les Français libres. L'autre résistance », de Jean-François Murraciole (Tallandier, ).

« 1 061 Compagnons. Histoire des Compagnons de la Libération », de Jean-Christophe Notin (Perrin).

« La France pendant la Seconde Guerre mondiale », atlas historique, de Jean-Luc Leleu, Françoise Passera et Jean Quellien (Fayard).

« Le dictionnaire des Compagnons de la Libération»

de Vladimir Trouplin (Elytis)

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