dimanche 30 mai 2010

Embarrassé par une vague de suicides, Foxconn met en scène une hausse de salaires

Les Echos, no. 20687 - Technologies de l'information, lundi, 31 mai 2010, p. 22

YANN ROUSSEAU

Depuis des mois, le groupe taïwanais Foxconn, qui assemble dans ses usines chinoises les appareils d'Apple, de Sony, de Nokia ou encore de Dell, étudiait la possibilité d'enclencher une hausse des salaires dans certains de ses ateliers. L'augmentation devait alors permettre au groupe de maintenir ses effectifs colossaux au sein de ses usines du sud-est du pays, souffrant d'un début de pénurie de main-d'oeuvre. La vague de suicides qui a déjà fait 11 victimes depuis le début de l'année dans ses effectifs aura finalement contraint la direction du groupe a précipiter son plan de hausse des salaires.

Samedi, Hon Hai Precision Industry Co, la maison mère de Foxconn, a reconnu, depuis Taipeh, qu'elle allait augmenter en moyenne de 20 % le salaire d'au moins 200.000 des 800.000 ouvriers qu'elle emploie sur tous ses sites de production de Chine. « La tristesse est un sentiment contagieux. Mais la joie est aussi contagieuse », a justifié un cadre taïwanais du groupe, qui compte, avec cette mise en scène, doper le moral de ses troupes. « Nous espérons que les ouvriers auront un regard plus positif sur leur vie. »

Le plus grand sous-traitant électronique du monde a jusqu'ici toujours défendu ses modes de production, ses politiques de rémunération et sa gestion des ressources humaines. Ses managers assurent que la dizaine de suicides qui ont particulièrement frappé ses ateliers de Shenzhen, ces derniers jours, seraient plus liés à des histoires personnelles qu'à des drames professionnels. « Nous ne gérons pas des usines à sueur et à sang », avait martelé, la semaine dernière Terry Gou, le PDG de Hon Hai, avant d'annoncer finalement une série de mesures destinées à prévenir de nouveaux drames.

Grands clients « inquiets »

Très embarrassés, tous les grands clients de Foxconn sont sortis de leur silence en fin de semaine dernière pour dire leur « inquiétude » et demander l'organisation d'enquêtes indépendantes sur les conditions de travail et de stress dans les ateliers du groupe. Ils savent toutefois que leur capacité de pression est limitée. Hon Hai, qui domine l'industrie de la sous-traitance mondiale, est un partenaire incontournable des grandes marques occidentales et japonaises, qui peuvent difficilement redéployer leur production. Ne pouvant non plus se permettre de braquer un groupe qui emploie près d'un million de personnes sur son territoire, le gouvernement chinois a, lui aussi, évité jusqu'ici les critiques acerbes contre le géant taïwanais.

YANN ROUSSEAU

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