La visite d'Etat de trois jours que Nicolas Sarkozy vient d'effectuer en Chine aura été utile. Elle a permis de tourner une page brouillonne des relations entre Paris et Pékin.
En 2008, le président français avait conditionné sa venue aux Jeux olympiques de Pékin à la reprise du dialogue entre le dalaï- lama et les autorités chinoises. Ressentie comme un camouflet inacceptable par le gouvernement chinois, cette mise en demeure publique avait provoqué une sérieuse crispation entre les deux pays. M. Sarkozy a tiré la leçon de cet épisode. « Il est improductif de s'accuser les uns les autres », a-t-il assuré devant ses hôtes, lors du dîner d'Etat, mercredi 28 avril.
Le président français a compris que le gouvernement chinois ne croit qu'aux rapports de forces, n'a d'estime que pour ceux qui lui tiennent tête, mais ne supporte pas d'être pris par surprise. Place au réalisme, donc, et à une relation dépassionnée, plus cohérente et plus durable. C'est positif. Il est bon que le président français, obsédé par l'action, accepte le temps long et se soit résolu à passer trois jours sur le sol chinois, rompant avec les voyages éclairs qui sont sa marque de fabrique.
Pour autant, il ne faut pas trop attendre des relations entre les deux pays. Un éditorial du China Daily, quotidien anglophone destiné à faire passer des messages pour les étrangers, remarquait, le 29 avril, que M. Sarkozy n'avait été accueilli à Pékin « ni par des réactions de colère ni par des marques de ferveur : il a commencé son voyage de manière réaliste. La lune de miel entre la France et la Chine, engagée durant la présidence de Jacques Chirac, est achevée. Les compliments que s'adressaient les deux pays ont été remplacés par des échanges politiquement rationnels, au nom du pragmatisme et des intérêts mutuels ».
Intérêts mutuels ? La Chine, qui suscite de sérieuses craintes, peut gagner à nouer une relation saine avec Paris. Et éviter ainsi, selon l'expression de l'ancien ministre des affaires étrangères Hubert Védrine, la formation d'une « coalition mondiale des inquiétudes » face à sa puissance grandissante. Quant à la France, elle se doit de préparer soigneusement, en y associant Pékin, la présidence du G8 et du G20, qu'elle assurera en 2011.
Dans ce contexte, la France, comme l'Europe, ne peut conditionner son rapport à la Chine à la situation au Tibet et au traitement - inique - des dissidents embastillés. Mais elle doit toujours rappeler son attachement aux droits de l'homme et son opposition à la nature du système chinois en la matière. Il lui faut donc trouver le ton juste : Pékin ne cède jamais sous la pression, mais n'a pas à imposer ses oukases au reste du monde. En clair, la realpolitik ne se justifie que par son efficacité sur tous les plans.
En outre, si elle ne peut évidemment faire l'impasse sur la Chine, la France sait bien qu'elle n'a aucun espoir, seule, de l'influencer durablement. Face à ce géant d'aujourd'hui, plus encore de demain, les Européens seraient bien inspirés de parler d'une même voix.
© 2010 SA Le Monde. Tous droits réservés.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire