Le premier s'appelle Wan Yanhai. L'un des militants qui a dénoncé l'ostracisme dont faisaient preuve les autorités à l'égard des malades du sida, il avait fondé en 1994 l'institut Aizhixing - " connaissance de l'amour " -, qui avait joué un rôle-clé dans la dénonciation d'un scandale de ventes de sang contaminé qui a sans doute infecté plus d'une centaine de milliers de personnes dans la province centrale du Henan. En début de semaine, dans un entretien au téléphone depuis les Etats-Unis, M. Wan, 46 ans, a dit au quotidien hongkongais The South China Morning Post qu'il était arrivé le 6 mai à Los Angeles. " Avant que je quitte la Chine, j'étais soumis à de nombreuses pressions et je ne cessais d'être harcelé. J'ai senti que ma sécurité personnelle était en jeu. La pression psychologique était trop forte, j'avais besoin de respirer ", a-t-il confié.
Wan Yanhai n'avait rien d'un dangereux opposant politique. " Je ne suis pas contre le Parti communiste, j'ai mes vues sur les questions de démocratie et de droits de l'homme et je dis au gouvernement : la Chine devrait être plus démocratique ", expliquait-il dans le même entretien. Lorsque Le Monde l'avait rencontré à Pékin, en 2009, il avait insisté sur le fait qu'il pensait que le " gouvernement chinois est sincère dans son engagement dans la lutte contre le sida ". Tout juste avait-il précisé que les " lourdeurs bureaucratiques " rendaient souvent sa politique " inefficace "...
" Chercher le calme "
L'autre " renonçant " célèbre s'appelle Gao Zhisheng et son histoire est plus tragique. Arrêté en 2007, relâché quelques mois plus tard, cet avocat, qui avait osé défendre des membres de la secte interdite du Falungong, avait été torturé à maintes reprises durant sa détention. Emmené de nouveau par la police une nuit de février 2009, il avait ensuite disparu pendant des mois avant de refaire surface en mars de cette année. Quelques semaines plus tard, il avait déclaré à l'agence de presse américaine Associated Press qu'il abandonnait toute activité militante : " Je n'ai plus la capacité de persévérer. Le choix ultime que j'ai fait, après y avoir mûrement réfléchi, est de chercher le calme et la paix. Mes activités passées ont grandement blessé les miens. " Mais on est de nouveau sans nouvelles de lui depuis des semaines et ses amis craignent que la police ne le détienne dans un lieu secret.
L'organisation Human Rights Watch (HRW) estime que la situation des droits de l'homme en Chine est " très préoccupante ", car " le gouvernement s'attaque à un secteur de la société civile qui, jusque-là, avait été toléré par le régime ". C'est-à-dire, notamment, les ONG qui se retrouvent étranglées par le carcan de nouvelles réglementations et un harcèlement policier croissant.
Bruno Philip
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