jeudi 6 mai 2010

Séoul met en cause Pyongyang dans le naufrage d'une de ses corvette

Le Monde - International, jeudi, 6 mai 2010, p. 10

Au cours d'une réunion extraordinaire, le 4 mai, de l'état-major militaire au complet, le président sud-coréen Lee Myung-bak a déclaré que le naufrage de la corvette Cheonan, coulée le 26 mars en mer Jaune en entraînant la mort de 46 marins, " n'est pas un accident " et il a demandé " des mesures claires et résolues " à l'encontre des responsables.

Cette déclaration télévisée est la mise en cause la plus appuyée - quoique indirecte - de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) dans ce naufrage. Le président avait appelé jusqu'à présent à attendre les résultats de l'enquête menée par des experts internationaux pour se prononcer.

La déclaration présidentielle prend un relief particulier au lendemain de l'arrivée en Chine du dirigeant nord-coréen Kim Jong-il. Cette visite, alors que la cause du naufrage n'est pas encore établie, a irrité Séoul. La RPDC a fait savoir n'être pour rien dans cette affaire. Les dirigeants chinois veulent-ils entendre les explications directement de Kim Jong-il ? Celui-ci devait rencontrer, mercredi 5 mai à Pékin, le président Hu Jintao.

Pour Séoul, toute initiative diplomatique est bloquée tant que la lumière ne sera pas faite sur ce naufrage. Mais les dirigeants sud-coréens sont conscients d'avoir peu de moyens de riposte dans l'hypothèse où il serait prouvé que la RPDC est à l'origine de l'explosion qui a brisé en deux ce navire de 1 200 tonnes, au large de l'île Baengnyeong, théâtre dans le passé d'affrontements entre les marines des deux pays

La " carte " diplomatique

Une attaque à la torpille reste " parmi les causes les plus probables ", confirme une source proche du ministère de la défense. Et rares sont les Coréens du Sud qui ne suspectent pas Pyongyang. Les conservateurs font de sa responsabilité un acte de foi et les libéraux, qui n'écartent pas la thèse d'un accident à bord de la corvette, sont ébranlés dans leurs convictions. L'opinion a été plus touchée par ce naufrage que par les essais nucléaires ou les tests de missiles nord-coréens : nombre des marins disparus faisaient leur service militaire et toutes les familles qui ont un fils sous les drapeaux sont inquiètes.

En dépit de leur résolution affichée de " châtier les coupables ", les dirigeants sud-coréens savent que des représailles militaires peuvent entraîner une riposte (les affrontements passés en mer Jaune - en 1999, 2002 et 2009 - s'inscrivent dans un enchaînement de revanches des marines des deux pays), voire enclencher une escalade. Avec la tenue du G20 à Séoul en novembre, la Corée du Sud ne peut prendre le risque d'une déstabilisation de la Péninsule. Sa seule " carte " est diplomatique : saisine du Conseil de sécurité des Nations unies et mobilisation de ses alliés pour renforcer les sanctions à l'égard de Pyongyang. Mais dans les deux cas, il faudra obtenir l'appui de la Chine.

Philippe Pons

PHOTO - South Korean President Lee Myung-bak (2nd R) consoles family members of victims of the sunken South Korean naval ship Cheonan during a funeral ceremony at a naval base in Pyeongtaek, 70 kilometres (44 miles) south of Seoul, April 29, 2010. South Korea on Thursday mourned the loss of 46 sailors who died when a Navy ship sank after a blast widely believed to have been the result of a North Korean torpedo.

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