lundi 10 mai 2010

TOURSME - Shanghai surexposé - Carine Keyvan

Marianne, no. 681 - Savoir Vivre, samedi, 8 mai 2010, p. 88

Jusqu'au 31 octobre, la mégalopole chinoise accueille l'Exposition universelle autour du thème " Meilleure ville, meilleure vie ". L'occasion d'apprécier la démesure de cette cité de tous les excès.

En cette veille de 1er mai, la foule se presse pour célébrer l'ouverture de l'Exposition universelle. Pensez donc, deux ans à peine après les JO de Pékin, la Chine organise de nouveau un événement d'une ampleur inégalée, avec pour objectif d'attirer dans les six prochains mois de 70 à 100 millions de visiteurs, chinois et étrangers, curieux de découvrir Shanghai, la ville de tous les superlatifs. Le site n'échappe pas à la démesure : en plein centre de la mégalopole (20 millions d'habitants), ses 5,28 km2 représentent une superficie 20 fois supérieure à la dernière Expo, à Saragosse, en 2008. Les pavillons des pays se sont installés sur les rives de Pudong, le coeur financier de la ville, symbole du renouveau de Shanghai. Difficile d'imaginer qu'il y a une quinzaine d'années seulement les paysans labouraient des champs ici même ! Aujourd'hui, les appartements avec vue sur le fleuve Huang-pu se négocient à plus de 10 000 € le mètre carré. Depuis la construction de l'Oriental Pearl Tower, en 1995, les projets architecturaux les plus ambitieux se succèdent. Avec ses 492 m, le World Financial Center, une tour en forme de décapsuleur, est à l'heure actuelle le plus haut gratte-ciel du pays. Entre le 79e et le 93e étage, s'est perché le dernier-né des Hyatt de Shanghai, un établissement de grand standing qui s'enorgueillit d'être l'hôtel le plus haut du monde. Pour combien de temps encore ?

On ne compte pas moins de 20 000 chantiers simultanés dans cette cité mutante. Et l'Exposition n'a fait qu'accroître le rythme des transformations urbaines. Certains bâtiments imaginés pour l'occasion sont appelés à traverser le temps. C'est le cas du pavillon de la Chine, un édifice en forme de couronne orientale rouge, de la soucoupe volante du Centre des spectacles, qui pourra accueillir jusqu'à 18 000 personnes, ou du boulevard de l'Expo, l'axe principal qui borde le fleuve. La municipalité a délogé des milliers de familles et dépensé près de 30 milliards d'euros pour faire peau neuve. Certains aménagements profitent déjà aux Shanghaïens : l'extension du réseau métropolitain ou le réaménagement du Bund, cette promenade bordant les beaux quartiers de l'ancienne Concession internationale, qui connut son heure de gloire dans les années 30.

Le soir, l'allée flambant neuve bat des records d'affluence, en particulier à l'heure où, en face, à Pudong, les gratte-ciel s'illuminent un à un. Dans les immeubles cossus, la crème des Shanghaïens s'attable pour profiter de la vue du M On The Bund, goûter à la cuisine fusion de Nougatine, le restaurant trois étoiles de l'Alsacien Jean-Georges Vongerichten, ou aux divins plats cantonais traditionnels du Yi Long Court, l'établissement gastronomique du Peninsula. Ouvert à l'automne, ce dernier attire déjà une foule de gourmets. " La cuisine tient une place à part dans notre culture, mais les Chinois sont assez peu aventureux, remarque Chi Ping Xu, second des restaurants du Peninsula. Ici, on essaie de faire ressortir la saveur des aliments par les modes de cuisson simples, vapeur, wok ou barbecue, ou par le choix des produits d'exception comme la garoupa ou les ormeaux pour les poissons et coquillages, caractéristiques des plats cantonais, ou des légumes issus de l'agriculture biologique. De nombreux producteurs locaux s'y convertissent actuellement. "

Le nuage de pollution qui flotte sur la ville laisse perplexe quant aux préoccupations environnementales du pays. Pourtant, le développement durable est au coeur du thème abordé dans l'Expo : " Meilleure ville, meilleure vie " ! Les " vallées du Soleil ", ces six bâtiments en forme de trompettes transparentes qui bordent le boulevard principal, recueillent l'énergie solaire et l'eau de pluie afin d'alimenter une partie du site. Le pavillon thématique possède le plus grand toit de panneaux solaires du monde. Sur les rives de Puxi, plusieurs édifices industriels ont été reconvertis en pavillons " durables ", comme l'ancienne centrale électrique de Nanshi qui accueille des expositions consacrées aux " rêves urbains ". Après des années de fièvre bâtisseuse, les autorités commencent à préserver certains quartiers. Ainsi, dans la Concession française, interdiction de dresser des tours. Ce quartier bordé de platanes est particulièrement appréciable pour une balade à vélo (un système de location façon Vélib' vient d'être installé) à la découverte des villas coloniales cossues. A moins qu'on ne cède à l'envie d'un tour en side-car. Cofondateur de Shanghai Sideways, Thomas Chabrières, un trentenaire originaire d'Aix, et son associé, historien, proposent des circuits découverte sur mesure. C'est en moto pétaradante qu'ils se faufilent dans le dédale d'un Shanghai insolite.

Du côté de Xintiandi, le quartier branché de la ville, de nombreux bâtiments ont été réhabilités. Les anciens shikumen, des maisons de briquettes rouges, ont été transformés en boutiques et restaurants. Ce Covent Garden local draine une foule de touristes venus découvrir les grands noms de la mode comme Shanghai Trio, Shanghai Tang ou Annabel Lee. Un peu plus loin, du côté de Taikang Lu, les lilong traditionnels (des ruelles étroites) regroupent désormais une flopée de boutiques, restaurants et galeries. Souvent bondés, ces lieux sont victimes de leur succès. Mieux vaut se rendre aux abattoirs, un labyrinthe de béton de style Arts déco, reconvertis en boutiques de créateurs et galeries trendy. Pour apprécier le Shanghai arty, rendez-vous plutôt le long de la Suzhou Creek à Mogan-shan Lu. C'est dans ces anciens ateliers textiles que les galeries les plus pointues ont élu domicile dans les années 2000. Parmi la vingtaine de galeries de cette friche, citons ShangART ou Island6. Pour approfondir ses connaissances en art contemporain, on filera au Moca, un musée tout en transparence situé dans les jardins de la place du Peuple.

Souvenirs du passé

Cette vitalité ne doit pas faire oublier le Shanghai ancien, qui subsiste dans quelques poches de résistance à la modernité. Chaque matin, comme tous les parcs de la ville, le Fuxing s'anime au rythme des retraités venus faire leur gymnastique. Tai-chi ou danse de l'éventail pour les uns, mah-jong ou jeux de cartes pour les autres. Certains viennent même promener leurs oiseaux en cage. Et, question souvenir, les nostalgiques du Grand Bond en avant seront servis aux puces de Dongtai Lu. Summum du kitsch, les réveils, statuettes ou cartes à l'effigie de Mao font un tabac auprès des étrangers. Pour trouver du calme, ou du moins une certaine forme de sérénité, on poussera les portes des temples aux murs ocre (Longhua Baiyunguan) ou celles des jardins (Yu). Malheureusement, la vieille ville de Nanshi se réduit comme peau de chagrin. Avec ses nombreux marchés, ses poissons vivants en vente en pleine rue et ses paniers de fruits et légumes à même le sol, ce quartier populaire semble comme un souvenir du passé commerçant de Shanghai. Ses habitations traditionnelles, en voie de disparition, donnent à voir un paysage en ruine. Restent quelques maisons brinquebalantes, souvent sans eau ni électricité : là où vivent les ouvriers qui bâtissent les tours vertigineuses du New York asiatique.

GUIDE PRATIQUE

Y aller

Cathay Pacific assure une liaison quotidienne vers Shanghai via Hongkong toute l'année, et 10 liaisons par semaine pendant l'été. Bon à savoir : il est possible de faire un arrêt à Hongkong, pour une journée ou une semaine, sans supplément.

A partir de 825 € A/R pour des départs jusqu'au 25 juin. www.cathaypacific.com/fr

Où dormir ?

Park Hyatt

Situées dans les derniers étages du " décapsuleur ", le plus haut gratte-ciel du pays, les 174 chambres à la déco épurée bénéficient d'une vue incomparable sur Pudong et le Huangpu. Les tarifs, d'ordinaire raisonnables pour un hôtel de cette catégorie, grimpent en flèche pendant l'Exposition. Une vue à couper le souffle.

A partir de 285 € hors saison et jusqu'à 605 € pendant l'Expo pour une chambre double standard. 100 Century Avenue, Pudong New Area. www.shanghai.park.hyatt.com

Art Gallery Suites

Un boutique-hôtel idéalement situé dans une bâtisse Arts déco sur Hengshan Road, au coeur de la Concession française. Chacune des 39 chambres est minutieusement décorée avec du mobilier ancien et des photos ou tableaux d'artistes contemporains. Deux tickets d'entrée à l'Expo seront offerts pour toute réservation de deux nuits ou plus.

A partir de 230 € hors saison et 265 € pendant l'expo pour une chambre double standard. N° 525 Hengshan Lu, Concession française. www.artgalleryhotels.com

B'LaVii House

Coup de coeur pour cette adorable maison chinoise reconvertie en hôtel de charme cosy. Nichée au fond d'un jardin de la Concession française, c'est un petit coin de paradis qui a ouvert au début de l'année. Avec son mélange de bois sombres, laques rouges, la déco chinoise contemporaine est particulièrement réussie. Bon à savoir, sur les 14 chambres, 4 sont en duplex et elles sont facturées au même prix que les chambres standard. Très bon resto thaï dans patio.

A partir de 110 € la nuit en chambre double avec petit déjeuner (155 € pendant l'Expo). 285 Hunan Lu, Concession française. www.blavii.com

Où manger ?

Yi Long Court

Ouvert en octobre dernier, le restaurant gastronomique du Peninsula attire déjà les foules. La réputation de son chef, Tang Chi Keung, étoilé pour son restaurant à Tokyo, y est pour beaucoup. On y sert une cuisine cantonaise raffinée.

Compter environ 30 € pour un repas. 32 Zhongshan Dong Yi Lu, le Bund. www.peninsula.com

Lost Heaven

Situé dans l'ancienne Concession française, ce restaurant intimiste sert une cuisine épicée originaire du Yunnan et de Birmanie.

Compter de 10 à 15 € pour un repas. 38 Gao You Road, Concession française. www.lostheaven.com.cn

Où boire un verre ?

Glamour Bar

Logé au sixième étage d'un immeuble cossu du Bund, juste au-dessus du restaurant M On The Bund, le Glamour Bar est un des plus chics bars-clubs de la ville. Cocktail sur mesure et ambiance feutrée au son des DJ internationaux.

N° 5 Zhongshan Dong Yi Lu, le Bund. www.m-theglamourbar.

Bar Constellation

Ambiance lounge et désuète pour ce cocktail-bar où les serveurs en costume trois pièces agitent leur shaker sous les yeux des clients lovés dans les confortables canapés Chesterfield.

33 Yongjia Lu, Concession française.

Se renseigner

Le site de l'Expo 2010 :

fr.expo2010.cn

Location de vélos :

Tourist Information Center, 393 Wukang Road.

Visite en side-car : www.shanghaisideways.com


Lire aussi : " Sarkozy à Shangaï, comment ça se prépare ", par Lost in Beijing translation sur www.marianne2.fr

Suzhou, la Venise de l'Orient

A une heure de train express de Shanghai, la " petite " ville de Souzhu (5 millions d'habitants " seulement ") est un point de chute intéressant pendant l'Expo. Sillonné par des canaux qui lui valent le surnom de " Venise de l'Orient ", le vieux centre est particulièrement charmant, avec ses ponts de pierre et ses pagodes décaties, longtemps habitées par de riches commerçants ou des proches du mandarin, admirablement restaurées. Aux alentours, les villages de Tongli ou de Huangzhou offrent le même décor de carte postale.


Une ville en pleine mutation. Sur les rives du fleuve Huangpu au pied des gratte-ciel, les appartements se négocient à plus de 10 000 € le mètre carré. Ci-dessus, les " lilong ", les petites ruelles traditionnelles du vieux Shanghai, n'ont pas toutes été démolies.

© 2010 Marianne. Tous droits réservés.

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