Cette technologie, qui consiste à extraire du plutonium des déchets produits par une centrale nucléaire , est de double nature, civile et militaire. Le plutonium peut en effet être utilisé soit pour la fabrication d'un nouveau combustible, soit comme matière fissile destinée à des armes nucléaires.
Au moment où se tient à New York la conférence d'examen du Traité de non-prolifération (TN P), avec comme thèmes importants la réduction et la transparence des arsenaux nucléaires, ainsi qu'un projet d'interdiction de la production de matière fissile dans le monde, ce dossier pourrait placer la France en position délicate.
La Chine maintient en effet une totale opacité sur son arsenal nucléaire, qu'elle ne cesse d'accroître. Elle brouille les lignes entre activités civiles et militaires, et déploie depuis des années de grands efforts pour se procurer des technologies sophistiquées auprès de pays étrangers. La montée en puissance militaire de la Chine est une source d'inquiétudes pour les Etats-Unis et leurs alliés dans la région Asie-Pacifique.
La livraison d'une usine de retraitement " est une question très sensible car elle envoie le mauvais message ", commente l'expert américain Mark Fitzpatrick, du International Institute for Strategic Studies (IISS), à Londres. " Elle peut renforcer les critiques formulées par les pays en voie de développement, qui dénoncent un système de deux poids deux mesures " dans le régime de non-prolifération. " Les grandes puissances ne vendent pas de technologie de retraitement aux Etats non dotés de l'arme nucléaire. Si, tout d'un coup, l'une d'elle se met à en vendre à la Chine, cela affaiblit les efforts pour restreindre la diffusion de cette technologie ", poursuit Mark Fiztpatrick. Ancien responsable des questions de non-prolifération au sein de l'administration de Bill Clinton, il ajoute : " Si la France consultait ses partenaires sur cette question, je pense que les Etats-Unis chercherait à décourager " un tel contrat.
Jacques Chirac avait déjà donné son feu vert en 2006, lors d'un voyage à Pékin. Fin 2007, M. Sarkozy l'avait confirmé, d'autant que les Chinois en faisaient une condition pour décider d'acheter deux réacteurs EPR à la France.
Les partisans de cette vente, à Paris, arguent que la livraison de l'usine ne changerait pas fondamentalement la donne puisque la Chine est une puissance nucléaire militaire et qu'elle maîtrise déjà le retraitement. Rien n'interdit en outre, au plan des règles internationales, un tel transfert. Mais d'autres sources, critiquant ce projet, soulignent que l'apport français permettrait aux Chinois de faire un énorme bond technologique et d'accélérer leur production de matière fissile.
C'est la raison pour laquelle la France a posé trois conditions pour que le contrat puisse être réalisé, qui visent à empêcher que sa technologie puisse être utilisée dans le domaine militaire. D'abord, Paris a demandé que le site choisi par les Chinois pour construire l'usine soit déplacé, afin qu'il ne côtoie plus une installation militaire. Ensuite, qu'un mécanisme de vérification soit mis en place, sous l'égide de l'Agence internationale de l'énergié atomique (AIEA). Enfin, Paris a souhaité que le processus retenu soit un " cycle fermé ", empêchant le détournement du plutonium.
Ces conditions étaient, à la veille du voyage de M.Sarkozy, toujours rejetées par Pékin. Quel a été le résultat des discussions lors de son déplacement ? Contactés par Le Monde, ni l'Elysée ni le Quai d'Orsay n'ont souhaité faire de commentaire sur ce dossier.
Après les vives tensions bilatérales avec Pékin en 2008, à propos du Tibet, la coopération nucléaire a été placée plus que jamais au coeur du réchauffement des relations entre Paris et Pékin. Le nucléaire était au centre de la visite du premier ministre François Fillon à Pékin en décembre 2009. Le président chinois, Hu Jintao, est attendu en France à l'automne 2010. Et Nicolas Sarkozy a besoin du soutien de la Chine pour réussir la présidence française du G8 et du G20, en 2011.
Natalie Nougayrède
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