Albin Michel
Pourquoi la révolution industrielle a-t-elle eu lieu en Angleterre plutôt qu'en Chine ? Cette question a taraudé dès la fin du XIXe siècle les historiens occidentaux. Spécialiste de la Chine moderne, c'est-à-dire des deux derniers siècles, Kenneth Pomeranz, professeur à l'Université de Californie, la repose à son tour. Comme le souligne son éditeur français, cette recherche trouve un sel supplémentaire au moment où la suprématie de l'Europe et de l'Amérique semble remise en cause par l'émergence tonitruante de l'économie chinoise.
Alors que les Occidentaux, surtout les Européens, paraissent tétanisés à l'idée que leur avantage né aux alentours de 1820 avec la première révolution industrielle puisse se terminer, il n'est pas inutile de revenir sur son éclosion. Ce que l'auteur appelle « la grande divergence » entre l'Europe et les économies asiatiques, qui jusqu'au XVIIIe siècle faisaient jeu égal.
Kenneth Pomeranz examine toutes les explications proposées par ses confrères au « miracle » dont a bénéficié l'Europe occidentale, l'Europe protestante, voire la seule Angleterre dans un premier temps. Certains ont voulu y voir « l'existence d'un gène particulier, spécifique et surgi en son sein ». D'autres ont mis l'accent sur les relations avec le reste du monde, le prélèvement colonial, ce que Karl Marx dénomme « l'accumulation primitive ».
L'historien californien propose une synthèse originale. L'impulsion donnée à l'économie européenne tient à « la conception de diverses techniques permettant d'économiser le travail », à la disposition d'importants gisements de charbon proches des marchés de consommation, et à l'exploitation des richesses du Nouveau Monde. L'accélération de la croissance, sans précédent dans l'histoire humaine, qui a caractérisé la révolution industrielle européenne puis américaine est donc la conjugaison de facteurs endogènes et d'une expansion mondiale délibérée. Ce que l'Eurasie n'a pas su faire au XIXe siècle mais qu'elle pourrait bien réaliser au XXIe. Un livre fort savant plus que de vulgarisation.
Jean-Pierre Robin, Le Figaro, no. 20435 - Le Figaro, mercredi, 14 avril 2010, p. 16
© 2010 Le Figaro. Tous droits réservés.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire